«Le retour triomphal de Marie-Nicole Lemieux», promettait la publicité du Festival de Lanaudière. L'événement de vendredi remplit la promesse et, du même coup, marqua brillamment le 20e anniversaire, jour pour jour, de l'inauguration de l'Amphithéâtre.

Malgré le temps incertain, plus de 4000 personnes vinrent écouter la chanteuse, absente du Festival depuis 2005 et maintenant vedette internationale. Très médiatisé, son nom avait attiré un public nouveau qui, n'ayant pas l'habitude du concert, applaudit où il ne fallait pas mais écouta dans le plus beau silence.

«Ça fait plaisir d'être chez nous!» lança la plantureuse et souriante chanteuse de 34 ans avant d'attaquer son premier rappel, l'air «Ombra mai fu» du Serse de Handel (ce qu'on appelle communément «Le Largo de Handel»). L'ovation insistante de la foule en justifia un second, tiré du Orlando furioso de Vivaldi.

«Chez nous», en effet. Mme Lemieux habite «à 10 minutes de l'Amphithéâtre», rappelait le directeur général dans sa présentation.

L'héroïne de la soirée était dans une forme spectaculaire: vocalement, musicalement, je dirais même physiquement car elle traversa telle une championne olympique - entièrement concentrée sur l'acte à produire et ignorant les contorsions qui pouvaient gêner notre oeil - un programme extrêmement exigeant: deux heures de musique où seules lui donnèrent quelque répit une symphonie de Haydn (la 81e) et deux ouvertures, honnêtement jouées par les Violons du Roy de Bernard Labadie augmentés à 26 musiciens.

Marie-Nicole Lemieux avait établi un programme entièrement italien et composé exclusivement d'airs peu connus, à deux exceptions près: «Che faro» de l'Orfeo de Gluck (un air d'opéra) et Ombra felice de Mozart (un air de concert), seules pages vraiment originales du programme. Le reste l'est beaucoup moins et génère même une certaine monotonie. Mais l'artiste conféra à tout ce qu'elle chanta la même force, la même richesse vocale et la même prodigieuse virtuosité, avec des mélismes à couper le souffle dans l'air de l'oratorio Il Ritorno di Tobia de Haydn.

Cette prestation mémorable permet de placer désormais Marie-Nicole Lemieux dans la lignée des Marilyn Horne et Cecilia Bartoli.

Quant à savoir si elle est contralto ou mezzo-soprano, je maintiens ma position: pour l'instant, c'est mezzo-soprano. La couleur générale est celle d'un mezzo, avec, au surplus, un aigu qui se rapproche du soprano et que ne possède pas le contralto. En même temps, notre chanteuse pousse au passage, et comme isolées du contexte, de vraies notes de contralto qui, vendredi soir, étaient plus nombreuses que par le passé. Contralto en devenir, Marie-Nicole Lemieux: sans doute!

Le Métropolitain samedi

Samedi soir, Yannick Nézet-Séguin et l'Orchestre Métropolitain donnaient la Symphonie fantastique de Berlioz et accompagnaient en première partie le Choeur de l'OM dans des extraits d'opéras allemands: Die Zauberflöte, Fidelio, Der Freischütz et trois Wagner assortis d'une ouverture de Meistersinger aux contrepoints comiques et fort à propos.

Avec une énergie qui semble inépuisable, le jeune chef obtint de ses 90 choristes (parmi lesquels figurent sa propre mère et jusqu'à la directrice générale de l'OM!) des exécutions techniquement solides et pleinement engagées. Quelques faiblesses chez les soprani expliquent sans doute le choix de plusieurs pages pour les seules voix masculines.

Jouée avec les deux reprises, la Fantastique s'ouvrit sur quelques maniérismes du jeune chef, mais l'ensemble fut une belle réussite. La Scène aux champs (troisième mouvement) s'éteignit sur un saisissant murmure des timbales répondant au cor-anglais et le Songe d'une nuit du Sabbat (cinquième et dernier mouvement) fourmilla de tous les effets sonores (cliquetis des cordes, bois mordants) indiqués par Berlioz et fort révolutionnaires pour 1830.

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DEUX CONCERTS à l'Amphithéâtre de Joliette, dans le cadre du 32e Festival de Lanaudière. Vendredi soir: Marie-Nicole Lemieux, mezzo-soprano, et les Violons du Roy, dir. Bernard Labadie. Samedi soir: Orchestre Métropolitain et Choeur de l'OM (dir. Alain Cazes et Pierre Tourville). Chef d'orchestre: Yannick Nézet-Séguin.