Étonner en offrant de l'inédit. Pour le très regretté père Fernand Lindsay, c'était là le but premier d'un festival et monter la Messa per Rossini rejoignait tout à fait cette idée. Les circonstances ont voulu que cet hommage rendu au célèbre compositeur d'opéra par 13 de ses collègues devienne, pour les 2 500 spectateurs de vendredi soir à l'Amphithéâtre, une cérémonie à la mémoire du fondateur du Festival de Lanaudière.

C'est Verdi qui prit l'initiative de ce Requiem collectif destiné à marquer en 1869 le premier anniversaire de la mort de Rossini. Il répartit le travail entre 12 compositeurs (connus à l'époque, oubliés aujourd'hui) et se réserva le Libera me final, qu'il reprit, en le modifiant, pour son propre Requiem de 1874. De multiples problèmes empêchèrent la création prévue pour 1869 et le manuscrit dormit jusqu'en 1988, année où l'oeuvre fut enfin créée et enregistrée.

S'agit-il d'une grande oeuvre? Au plan historique, oui. Le résultat musical appelle plus de réserves, mais cette audition totalisant une heure et 48 minutes, entracte non compris, était justifiée.

L'ensemble offre une belle diversité. Trois sections sont pour le choeur seul. Les autres font intervenir les cinq voix solistes séparément ou en duo, trio ou quatuor, parfois avec le choeur, parfois seules. L'orchestre est présent partout, sauf dans certaines séquences chantées a cappella.

Bien que 13 mains aient signé cette Messa per Rossini, une certaine unité stylistique les guida. On entend là de la bonne musique d'église, un peu sentimentale, voire théâtrale, jusqu'à l'explosion finale du Libera me où, comme à dessein, Verdi éclipse de son génie l'honnête métier des 12 petits maîtres.

Jean-Marie Zeitouni dirigea l'oeuvre avec le maximum de conviction et d'énergie et l'Orchestre du Festival, réunissant 70 musiciens de nos formations locales, lui répondit avec un parfait professionnalisme. Mais les 145 voix du Choeur du Festival et du Choeur de Laval stagnèrent à un niveau plus amateur.

Des cinq solistes, on retiendra d'abord Michele Capalbo, grand soprano et grand style (elle remplaçait Manon Feubel), ensuite le ténor Frédéric Antoun et le baryton Étienne Dupuis, tous deux bien en voix. Laura Pudwell poussa un mezzo fatigué et Robert Pomakov, un basso pâteux.

Rachmaninov et Tan Dun

La pluie torrentielle réduisit à 1000 personnes l'auditoire de samedi soir. On y retrouvait l'Orchestre du Festival dans une forme encore étonnante, avec Zeitouni lançant le concert à toute allure avec l'ouverture Carnevil (ou «Carnaval») de Dvorak.

La blonde pianiste ukrainienne Valentina Lisitsa, cette fois dans une éclatante robe rouge, traversa le troisième Concerto de Rachmaninov en 42 minutes, avec une légèreté et un détachement tout à fait étrangers à cette musique massive et romantique, mais aussi une telle clarté que les moindres fautes - et on en compta plusieurs! - étaient apparentes. J'ai préféré son rappel: la fameuse Sérénade de Schubert transcrite par Liszt, où les deux mains se répondaient avec une grâce infinie.

La pièce du Chinois Tan Dun, The Map, fait dialoguer l'orchestre et un violoncelliste, le Britannique Matthew Barley, avec une vidéo d'instrumentistes, chanteurs et danseurs chinois en costumes. Quelques effets de l'orchestre occidental suggérant les instruments chinois sont intéressants, mais l'ensemble est facile et vide, comme c'est si souvent le cas chez Tan Dun, et ne justifie absolument pas cette interminable séance de 45 minutes. Un quart d'heure après le début, les spectateurs commencèrent à se précipiter vers les sorties, et en nombre important. Je les enviais.

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ORCHESTRE DU FESTIVAL. Chef d'orchestre: Jean-Marie Zeitouni. Deux concerts, Amphithéâtre de Joliette, dans le cadre du 32e Festival de Lanaudière.

Vendredi soir: Messa per Rossini (1869).

Samedi soir: Ouverture Carnevil, op. 92, B. 169 (1891) (Dvorak), Concerto pour piano et orchestre no 3, en ré mineur, op. 30 (1909) (Rachmaninov), The Map (2004) (Dun).