Lang Lang, le prodige chinois du piano, a un autre rival - rivale plutôt: Yuja Wang, sa compatriote et cadette, après Yundi Li et quelques autres. Rien de surprenant dans un pays où 30 millions d'enfants étudient le piano.

Comme Lang, la nouvelle venue possède une technique et une puissance pianistiques époustouflantes, plus étonnantes même que chez l'aîné car elles appartiennent à de frêles mains féminines de 21 ans. Mais, comme Lang, le phénomène pianistique prime ici sur le contenu musical et expressif. Nous en saurons peut-être davantage le 6 avril prochain lorsque Yuja Wang jouera le Concerto en sol de Ravel à l'OSM. Pour l'instant, c'est un disque Deutsche Grammophon qui nous la révèle.

 

Le disque s'ouvre sur la Sonate op. 35 de Chopin, dont c'est le troisième nouvel enregistrement en quelques mois (après Marc-André Hamelin et André Laplante) et se termine sur la grande Sonate en si mineur de Liszt. Ces deux sommets du répertoire pianistique appellent ici les mêmes observations: la jeune fille fait étalage de sa virtuosité dans les séquences présentant les plus grandes difficultés techniques et, à l'opposé, donne dans l'affectation et abuse du rubato dans les passages calmes. Dans un cas comme dans l'autre, elle prend finalement plus de place que l'oeuvre elle-même.

Jouer du piano avec une telle force et une telle clarté à 21 ans reste étonnant, je le reconnais. Mais la musique demande davantage. Une certaine atmosphère habite la deuxième Sonate de Scriabine, op. 19, aux deux mouvements contrastants, l'un paisible, l'autre orageux. Mais le meilleur de ce disque se trouve dans les six minutes de Ligeti, dont Yuja Wang joue deux Études: la quatrième, Fanfares, et la dixième, L'Apprenti sorcier. Deux mouvements perpétuels d'une atroce complexité rythmique, qu'elle traverse avec une aisance absolument déconcertante.

Mais six minutes ne font pas un disque et, pour Chopin et Liszt, il faudra repasser.

YUJA WANG

PIANISTE: CHOPIN, LISZT, LIGETI, SCRIABINE

DEUTSCHE GRAMMOPHON, 4 778 140

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