Marc-André Hamelin occupait mercredi soir la fonction plutôt effacée, et pourtant essentielle, de «pianiste-accompagnateur» au deuxième des quatre programmes que Pro Musica a organisés autour de sa personne.

Cette fois, c'est la grande vedette de la soirée, Karina Gauvin, qui s'est retrouvée devant une demi-salle... je dirais même moins d'une demi-salle. Ici encore, les mêmes questions reviennent: Est-ce le programme? Est-ce le fait que Karina Gauvin figure jusqu'à trois fois dans cette ville en une même saison? Est-ce le prix élevé des places? Quoi qu'il en soit, la blonde et souriante artiste s'est donnée entièrement, comme elle l'aurait fait pour une salle absolument comble à New York, Londres ou Paris.

 

Le programme était entièrement français, à l'exception de quelques Haydn anglais au tout début. Un Mozart venait ensuite, mais un Mozart français: Dans un bois solitaire. Il eût été logique d'y joindre Oiseaux, si tous les ans, la seule autre pièce française du catalogue complet de Mozart. Karina Gauvin a préféré passer immédiatement à Reynaldo Hahn, puis à Duparc, Debussy, Poulenc, Vuillermoz et Bizet.

En grande forme vocale, la chanteuse a livré de mémoire son programme entier et jusqu'aux deux rappels qui suivirent. Il ne pouvait en être autrement, tellement elle avait assimilé dans le détail le sens des paroles qu'elle prononçait. D'ailleurs, l'expression apportée à chaque mot se lisait sur son visage et se dessinait dans son geste en même temps qu'elle colorait sa voix.

Mercredi soir, Karina Gauvin a chanté avec un art qui rappelait les grandes interprètes d'autrefois. Elle a traduit avec un égal bonheur les mélodies caressantes de Hahn et de Duparc, les pièces coquines de Poulenc et de Bizet et les Ariettes oubliées de Debussy qui, les textes parfois hermétiques de Verlaine aidant, paraissent encore modernes aujourd'hui.

Hamelin fut un partenaire à part égale et un musicien parfait. On écoutait le piano autant que la voix. Les deux rappels étaient de Poulenc: Les Chemins de l'amour et ce curieux C où chaque vers de Louis Aragon se termine sur le phonème «cé».

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KARINA GAUVIN, soprano. Au piano: Marc-André Hamelin. Mercredi soir, salle Maisonneuve de la Place des Arts. Présentation: Société Pro Musica. Radiodiffusion: Radio-Canada, 18 mars, 20 h.