Van Cliburn est un peu oublié aujourd'hui. Seul le concours de piano qu'il a institué au Texas, et qui porte son nom, rappelle son existence. Le pianiste américain, 75 ans cette année, fut le grand lauréat du premier Concours Tchaïkovsky de Moscou, en avril 1958. Né le 12 juillet 1934, il n'avait alors que 23 ans. Un an après le spoutnik, qui marquait la conquête de l'espace par les Soviétiques, l'étonnante victoire de Cliburn à Moscou fut interprétée en certains milieux comme une «réponse américaine» à l'URSS, et ce en pleine guerre froide.

La marque Testament vient de publier un document que tous les amateurs de piano - et les fans de Cliburn, car il doit y en avoir - voudront posséder: l'enregistrement de l'épreuve finale du 11 avril au cours de laquelle Cliburn joua coup sur coup deux des concertos les plus connus et les plus difficiles du répertoire, soit le premier de Tchaïkovsky et le troisième de Rachmaninov, avec l'Orchestre Philharmonique de Moscou dirigé par Kyril Kondrachine.

 

Immédiatement après le concours moscovite, Cliburn, fêté comme un héros, notamment lors d'une parade monstre dans New York, enregistra les deux oeuvres chez RCA avec la Symphony of the Air dirigée par Kondrachine, que l'URSS avait autorisé à venir aux États-Unis. Ces deux enregistrements conservent leur place dans la discographie. Peu à l'aise en récital, Cliburn excelle pourtant dans ces oeuvres à grand déploiement.

L'enregistrement de Moscou le révèle dans une forme absolument exceptionnelle, apportant aux deux concertos l'écrasante puissance pianistique et, en même temps, tout le lyrisme et toute la nostalgie qui caractérisent cette musique. On comprend que le jury, comme l'auditoire, ait été impressionné par ce jeune Américain qui avait si bien pénétré l'âme russe.

L'exécution de Cliburn est pourtant marquée de quelques fausses notes et même d'un trou de mémoire au début du Tchaïkovsky. Les juges ont eu raison de ne pas tenir compte de ces détails, peu importants dans le cas d'un tel talent. L'orchestre est faible cependant et les bruits de salle (toux et autres) sont incessants. Peu importe: c'est Van Cliburn qu'on écoute, et à son meilleur. Il brille aussi dans le petit Rondo de Kabalevsky, pièce de virtuosité imposée aux finalistes.

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VAN CLIBURN, PIANISTE: TCHAÏKOVSKY ET RACHMANINOV

TESTAMENT, SBT 1440

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