Après l'immense succès de leur Nozze di Figaro de février 2005 à l'Atelier d'opéra de l'Université de Montréal, Jean-François Rivest, le chef de l'Orchestre de l'UdM, et le metteur en scène Benoît Brière se devaient de nous donner Don Giovanni. C'est fait: il s'agit d'un spectacle magnifique mais très long, qui totalise plus de trois heures, avec des dialogues qui n'en finissent plus et un seul entracte de 20 minutes.

Encore une fois, la salle Claude-Champagne est transformée en théâtre lyrique selon l'heureuse formule établie: une vaste plateforme de jeu surplombe la scène et celle-ci devient fosse d'orchestre; l'action se déploie occasionnellement jusque dans les deux loges latérales.

 

La mise en scène de Brière, lui-même comédien, est celle d'un homme de théâtre, mais d'un homme de théâtre qui tient toujours compte de l'aspect musical et vocal - Rivest ne tolérerait jamais qu'il en soit autrement! - et qui respecte certaines traditions sans tomber dans le conventionnel. Son Don Giovanni se déroule en costumes d'époque, comme cela se faisait avant les fameuses et inutiles tentatives de «modernisation», et il reste parfaitement convaincant. Quel réconfort après le Macbeth défiguré de M. Cyr!

Brière anime continuellement le plateau et fait jouer tous ses sujets avec un parfait naturel. Ainsi, Donna Elvira, rejetée par Don Juan qu'elle s'entête à relancer, est vraiment présentée comme une folle. Tous les personnages sont d'ailleurs caractérisés avec force. C'est du moins l'impression que donne la distribution de la première, mercredi soir, et qui revient ce soir.

On y a vu et entendu, dans le rôle-titre, un baryton de 21 ans, Jean-Michel Richer (le même âge que le créateur, Luigi Bassi), qui a pourtant l'air d'un homme de 35 ans, projette une voix déjà ferme bien qu'appelée à se développer, et qui joue le personnage de Don Juan avec toute la séduction et le cynisme d'un chanteur d'expérience.

En fait, le spectacle ne nous apporte aucune révélation d'ordre vocal, bien qu'il faille signaler l'endurance de tous ces débutants à traverser une partition d'une telle difficulté. Kristin Hoff (Donna Elvira) est simplement correcte, Kyra Folk-Farber (Donna Anna) a une voix assez dure, David-Olivier Chénard (Leporello) est un baryton assez quelconque. Je dirais même que Andrzej Stec (Don Ottavio) et Mark Wells (Masetto) ont une façon de chanter qui correspond tout à fait aux personnages niais qu'ils incarnent. Ce qui est peut-être voulu.

De l'ensemble se détache, pour la voix et surtout le jeu, Samantha Louis-Jean, en Zerlina. La scène où Don Juan la séduit en pleines noces est génialement menée, comme l'est celle où Zerlina cherche à ramener à elle son pauvre Masetto ridiculisé.

Les différents lieux de l'action sont projetés sur un immense écran devant lequel jouent les interprètes. Les costumes sont bien choisis, sauf celui de Leporello, qui lui donne l'air d'un clochard. L'apparition de la statue du Commandeur, à la fin, est toujours un problème et c'est encore le cas ici.

Au pupitre, Rivest tire de l'OUM une extraordinaire puissance dramatique, et ce dès l'ouverture où tonne déjà l'orage qui emportera le séducteur. Rivest a choisi la version originale de 1787, ce qui nous prive des airs «Dalla sua pace» (d'Ottavio) et «Mi tradi» (d'Elvira) ajoutés à Vienne l'année suivante.

_____________________________________________________________________________________

DON GIOVANNI, opéra en deux actes, livret de Lorenzo da Ponte, musique de Wolfgang Amadeus Mozart, K. 527 (1787). Production: Atelier d'opéra de l'Université de Montréal. Salle Claude-Champagne de l'UdM. Première mercredi soir. Autres représentations: auj. et dem., 19h30. Avec surtitres français et anglais. Mise en scène: Benoît Brière. Décors et costumes: Judy Jonker. Éclairages: Nicolas Ricard. Choeur de l'Atelier d'opéra et Orchestre de l'Université de Montréal. Direction musicale: Jean-François Rivest.