Encore une fois, Kent Nagano allonge indûment un concert avec une pièce ne figurant pas au programme original et, pis encore, se révélant d'un intérêt très quelconque. Cela est signé Tan Dun, dure 17 minutes (soit 10 de trop) et se ramène à un amoncellement de petits bruits d'instruments qui se répondent de part et d'autre de l'orchestre et de cris et soupirs venant des musiciens eux-mêmes (!), pour déboucher sur un grand vacarme.

Le vrai programme vient ensuite: Le Sacre du printemps et Das Lied von der Erde. Une seule de ces oeuvres peut faire la soirée, avec quelques pages moins importantes pour compléter. Jumeler ces deux sommets était une idée prodigieuse. Hélas! la réalisation n'est pas à la hauteur de l'idée.

 

L'OSM a abordé Le Sacre du printemps en 1957 et l'a joué maintes fois depuis, à travers de multiples changements d'effectifs. Augmenté à quelque 110 musiciens, l'orchestre fournit un spectacle imposant. L'ensemble de l'exécution est solide et quelques petites fautes ne sont rien. Le problème, c'est l'absence de conception chez Nagano: ce n'est jamais brutal, ce n'est jamais raffiné. Car le Sacre peut être ou ceci, ou cela.

Das Lied von der Erde occupe l'après-entracte et est enregistré pour un CD. Nagano a choisi la version - autorisée par Mahler - où un baryton remplace la voix grave de femme. En fait, ne remplace pas, car rien n'égale dans ces textes un mezzo ou un contralto. Mais l'intelligence, l'émotion et le timbre de Christian Gerhaher nous ont presque convaincus hier soir. En contraste, la partie de ténor, d'allure presque effrontée, fut rendue telle quelle, et avec un voix forte, par Stuart Skelton. L'orchestre cependant ne faisait qu'accompagner au lieu d'apporter vie et couleur à l'ensemble.

L'événement avait fait salle comble, bien sûr.

Pour le Mahler, l'OSM donne les traductions française et anglaise des textes mais maintient la salle dans l'obscurité. Où est la logique?

____________________________________________________________________________________

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre: Kent Nagano. Solistes: Stuart Skelton, ténor, et Christian Gerhaher, baryton. Hier soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts; reprise ce soir, 20h. Série «Grands Concerts». Programme: Orchestral Theatre I, Xun (1990) - Dun Le Sacre du printemps (1913) - Stravinsky Das Lied von der Erde (1911) - Mahler