Le chef de l'OSM, Kent Nagano, est l'un des musiciens dans le monde qui connaissent le mieux l'opéra Saint François d'Assise d'Olivier Messiaen. Il était de sa création en 1983, époque à laquelle il a pu vivre chez le compositeur français.

Kent Nagano devient intarissable quand il parle d'Olivier Messiaen. Sans tomber dans le potin, le maestro souligne la grande générosité de celui - peut-être le «plus grand compositeur du XXe siècle» selon lui - qui l'a accueilli à sa maison de Paris pendant près d'un an pour la création de son seul opéra.

 

«Ce n'est pas fréquent, je le conçois, d'avoir ce genre de relations informelles et formelles, a-t-il confié en entrevue téléphonique. C'est un grand privilège. Cette expérience m'a permis d'approfondir sa musique de façon exceptionnelle. Ce n'est pas quelque chose qu'on peut apprendre dans un livre ou en lisant la partition.»

Ainsi, pour les concerts du 5 et du 9 décembre, M. Nagano a eu recours aux «vieilles partitions manuscrites» plutôt qu'à l'édition imprimée.

«La plupart des artistes, dont je suis, apprennent énormément de leur professeur. Dans ce cas, c'est comme recevoir une lettre écrite à la main plutôt que transmise par ordinateur. C'est plus humain et personnel. L'écriture de Messiaen était claire», dit-il.

Kent Nagano considère que cette première montréalaise confirme l'avant-gardisme de la métropole. L'oeuvre a été jouée à Paris récemment, et il y a des projets pour la présenter à Munich et à New York.

Il essaie de jouer du Messiaen tous les ans, où qu'il soit, même si ce n'est pas la grande priorité de son répertoire en ce moment. Pour le centenaire, il a dû refuser plusieurs demandes d'orchestres dans le monde et ne retenir que Montréal et Munich.

«Saint François d'Assise est une oeuvre brillante et qui exige de la virtuosité, mais les jeunes musiciens se retrouvent dans cette syntaxe, aujourd'hui, comme des poissons dans l'eau. En ce sens, c'est une joie de revoir l'opéra et de raffiner l'interprétation», explique-t-il.

Les mélomanes montréalais sont très sophistiqués, ajoute-t-il, et se montrent très ouverts. Il ne craint donc pas la réaction du public d'ici face à une très longue prestation.

Quatre petites heures

«Les gens sont généralement profondément touchés par l'oeuvre. Même si l'opéra dure quatre heures, plusieurs spectateurs ont l'impression qu'il est beaucoup moins long, alors que certaines pièces de quelques minutes paraissent durer des heures, dit-il en riant. Mais c'est vrai que cela prend quelques minutes pour entrer dans l'univers de Messiaen en laissant de côté notre vie trépidante au vestiaire.»

Fou de Dieu et des oiseaux, Messiaen parle toujours à notre siècle, croit-il. Le compositeur expliquait souvent à ses élèves que beaucoup d'autres avant lui avaient démontré leur foi, dans leur travail.

«Il importe peu de savoir que l'inspiration de Messiaen venait de ses croyances personnelles (en Dieu). Le spectateur arrive avec ses propres croyances. Les chefs-d'oeuvre, ce qui est le cas ici, sont exceptionnels et uniques. Leur qualité et leur profondeur font en sorte qu'il est possible d'être touché d'un point de vue autant intellectuel qu'émotif, physique que spirituel.»