Ce n'est pas parce que l'on se nomme Till, que l'on garde à 36 ans un air juvénile et que l'on est né à Vienne, capitale musicale s'il en est une, que l'on se destine nécessairement à une carrière en musique.

Malgré son prénom, le pianiste autrichien Till Fellner, qui sera à l'OSM mercredi et jeudi soir, est tout le contraire de l'espiègle lutin allemand qui a fait notamment l'objet d'un poème symphonique de Richard Strauss. Et il n'est pas né sous un piano.

 

«Mes parents aimaient la musique, mais pas plus, dit-il en entrevue à La Presse. J'ai fait des études normales. Ce n'est pas tout le monde à Vienne qui est musicien et, comme partout ailleurs, le public vieillit. Pis encore, il n'y a pas de volonté politique et pas assez de musique dans les écoles. Mais ça reste une ville merveilleuse où j'aime vivre.»

Sa vie de musicien a changé lors de sa rencontre avec le célèbre pianiste Alfred Brendel, venu à l'OSM pour la dernière fois de sa carrière au printemps dernier. Il en parle avec émotion.

«Ce n'est pas du tout un truc de marketing. Je l'ai rencontré quand j'avais 18 ans. Il m'a tout de suite pris son sous aile et m'a beaucoup influencé. J'ai grandi avec sa musique. Son ultime concert aura lieu le 18 décembre à Vienne. J'y serai, mais ce sera triste», confie-t-il.

Avec Kent Nagano et l'OSM, après L'Empereur en mai dernier, le frêle pianiste continuera cette semaine sa quête des cinq concertos pour piano de Beethoven, lui qui, en même temps, a décidé de faire les 32 sonates du même compositeur dans le cadre de sept programmes au cours des deux prochaines années. Comme s'il voulait vider le sujet.

«Je fais aussi les trios avec mon ensemble. C'est ce qu'il peut arriver de mieux à un musicien. J'apprends tellement en jouant tout Beethoven, estime-t-il. Avec l'OSM, nous avons commencé en mai dernier. Je connais Kent depuis le début des années 1990. Nous avons une très bonne relation. On voulait faire un grand projet ensemble.»

Cette série se poursuivra au cours des deux prochaines années avec l'OSM. Les cinq concertos font également l'objet d'un enregistrement pour ECM, sa maison de disques.

«C'est toujours un plaisir de travailler avec Kent. Il est si bien préparé. Il prend le temps de travailler avec l'orchestre, ce qui n'est pas toujours possible de nos jours», ajoute-t-il.

Back to Bach

Ce tout-Beethoven occulte le fait que l'artiste s'est beaucoup fait connaître par son enregistrement, considéré comme incontournable parmi les nombreuses versions existantes, du premier livre du Clavier bien tempéré de Bach.

«Je vais très certainement y revenir, promet-il. Ça fait partie de la construction du répertoire. Bach, Beethoven... En ce moment, je suis plongé dans Beethoven, mais, plus tard, je ferai sans doute le deuxième livre sur disque. Je pense qu'on doit jouer ce qu'on aime profondément, des pièces qu'on pense vouloir jouer toute sa vie.»

Il était à Florence et à Milan récemment. Il sera aux États-Unis plus tard. Sa passion le force à vivre dans ses valises, mais cela ne le rebute pas à ce moment précis de sa carrière.

«L'année 2008 est celle où j'ai donné le plus de concerts, précise-t-il. C'est excellent parce que je suis à une période de ma vie où j'aime travailler et voyager.»