Nos deux grands orchestres universitaires ouvraient leur saison ce week-end. Celui de McGill donnait son programme samedi soir et hier après-midi. Dans ce cas, j'ai donc attendu la reprise afin d'entendre celui de l'Université de Montréal, qui ne jouait que samedi soir.

La salle Claude-Champagne était presque comble et l'auditoire majoritairement jeune, pour le début de 15e saison de cet OUM fondé par Jean-François Rivest, qui en est toujours le titulaire extrêmement dynamique et convaincant. Également chef en résidence de l'OSM, Rivest avait eu la bonne idée de programmer la même ouverture de l'opéra Guerre et Paix, de Prokofiev, aux deux endroits à quelques jours d'intervalle. Le résultat est forcément différent: deux orchestres, l'un professionnel, l'autre étudiant, et deux acoustiques dissemblables. Si la masse des cordes est impressionnante dans les deux cas, il reste que les cuivres sonnaient mieux à l'OUM.

 

Suivent, deux gagnants de récents concours de l'UdM: Benoît Côté en composition et le pianiste Michel-Alexandre Broekaert en concerto. M. Côté a coiffé sa pièce d'un titre recherché, Quelque composée qu'elle soit, et sans lien apparent avec le contenu. Pendant 10 minutes, il distribue les timbres fins à travers tout l'orchestre. Résultat: une musique plutôt paisible, presque du genre Copland par moments.

M. Broekaert, 23 ans, a commis quelques erreurs, mais de légers retards dans l'orchestre étaient en cause dans un cas et peut-être même deux. Ce qui ne l'a pas empêché de fournir du quatrième Concerto de Beethoven une interprétation très respectable, avec une main droite très déliée et une basse bien sonore.

Rivest avait consacré l'après-entracte à la fameuse Symphonie du Nouveau Monde de Dvorak. Quelques bavures des cors et des trombones sont bien normales dans un tel exercice. Beaucoup plus intéressante est la conception de Rivest, d'un dramatisme extrême et tout à fait inhabituel. Le chef n'a pas changé une note: il est simplement allé aussi loin que possible dans l'exploration du texte, entraînant avec lui ses 90 jeunes, depuis la vibrante phalange des cordes jusqu'au cor-anglais isolé.

Nagano nous avait donné un tel Dvorak en février... à une différence près. L'émotion profonde qui habite le mouvement lent et qui, tout à coup, remplit la salle, cette émotion, seul Rivest l'a fait passer.

J'ai retrouvé le même enthousiasme hier après-midi à Pollack où les 105 jeunes musiciens du grand Orchestre symphonique de McGill, remplissant entièrement la scène, ont donné sous la direction de leur titulaire Alexis Hauser un concert exceptionnel centré sur la musique française - réussite d'autant plus à signaler qu'il ne s'agit pas d'une spécialité à McGill.

L'énergique chef viennois, pointant ses jeunes comme d'autres commandent leurs troupes, en obtint cette fois encore le maximum. Il chauffa l'orchestre à blanc dans l'ouverture Le Carnaval romain et plus tard dans la deuxième suite de Daphnis et Chloé, de Ravel, et même dans l'Hymne de jeunesse de Messiaen. Le Ravel conjuguait miraculeusement rythme et volupté. Mention ici au solo de flûte.

Le principal attrait du programme était le Concerto pour violon et violoncelle de Brahms réunissant deux générations: Ida Haendel et Matt Haimovitz. La coordination des deux musiciens était bonne et d'ailleurs guidée par M. Hauser, qui dirigea le concert entier de mémoire. Le violoncelliste joua très correctement. Pour ce qui concerne Mme Haendel, je résumerai ainsi: on ne l'écoute plus jouer, on l'observe.

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ORCHESTRE DE L'UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre: Jean-François Rivest. Soliste: Michel-Alexandre Broekaert, pianiste. Samedi soir, salle Claude-Champagne de l'UdM. ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE McGILL. Chef d'orchestre: Alexis Hauser. Solistes: Ida Haendel, violoniste, et Matt Haimovitz, violoncelliste.