Yannick Nézet-Séguin et l'Orchestre Métropolitain du Grand Montréal ouvrent leur nouvelle saison cet après-midi, exceptionnellement à la salle Wilfrid-Pelletier de la PdA à 16h, avec un programme Moussorgsky-Ravel-Berlioz donné en avant-première vendredi soir à l'église Saint-Nom-de-Jésus comme ouverture du festival Orgue et Couleurs.

Ils avaient procédé à peu près de la même façon l'an dernier: concert à l'église Saint-Jean-Baptiste le 17 septembre, reprise à SNJ le 21, chaque fois avec la neuvième Symphonie de Bruckner. Leur enregistrement du Bruckner vient de paraître chez ATMA. Réalisé les 21, 22 et 23 septembre 2007, dit la pochette. Ce qui laisse entendre que l'enregistrement provient du concert du 21 et de prises additionnelles effectuées les 22 et 23. Quoi qu'il en soit, on n'y entend aucun applaudissement et pas le moindre bruit d'auditoire.

 

Ce concert n'avait pas trouvé Nézet-Séguin à son plus haut niveau d'inspiration - surmenage, avais-je suggéré -, alors qu'une précédente présentation de la même oeuvre, le 18 mars 2002, à la basilique Notre-Dame, avait atteint les plus hauts sommets d'émotion autant que d'exécution. Résultat de trois jours d'enregistrement et de la volonté évidente de produire une version qui compte dans la discographie, le présent disque nous vaut une Neuvième de Bruckner à placer parmi les plus convaincantes qui soient.

L'immensité et la beauté du volume sonore produit par l'orchestre augmenté à 82 musiciens sont la première qualité qui frappe ici: cordes très nourries, cuivres nobles et puissants, bois frais et délicats. Première qualité, mais non la seule, loin de là! Nézet-Séguin traduit avec souplesse et intensité l'alternance agitation/apaisement qui caractérise les deux mouvements extrêmes. Au premier mouvement, l'apparition du thème principal, qui fait appel à l'orchestre tout entier (mesure 63, à 2'41 sur l'indicateur), est d'une envergure égale à ce qu'on entend dans les meilleures versions de l'oeuvre. Ces tutti à faire trembler les murs reviendront d'ailleurs au finale. Pris lourdement par des brucknériens pourtant reconnus, le Scherzo chez Nézet-Séguin est, tel qu'indiqué, animé et vif.

La neuvième Symphonie de Bruckner prend habituellement une heure. Pour l'ensemble, Nézet-Séguin favorise des tempi plutôt lents. Résultat: son Bruckner dure 67 minutes et rejoint ainsi Bernstein et son maître Giulini. Mais cette lenteur n'a rien de statique; au contraire, elle sert la grande respiration brucknérienne et souligne la profondeur du message.

Bien qu'il utilise l'édition courante (Leopold Nowak, 1951), notre jeune maestro prend quelques libertés, comme s'il cherchait à s'affirmer à la manière de certains vieux chefs de légende ayant plus de deux fois son âge. Par exemple, il glisse ici et là de légers ritardandos non indiqués qui n'ajoutent absolument rien à son interprétation. Au Scherzo, Bruckner demande à un moment donné d'accélérer graduellement (mesure 147, à 2'15 sur l'indicateur). Nézet accélère subitement dès la première note de ce passage. Une petite erreur de sa part.

Une autre encore. Il attaque l'Adagio final sur un portamento mahlérien des plus vilains - et faux en plus. Siegmund von Hausegger lui-même, le premier à graver l'oeuvre, en 1938, ne tombe pas dans cet excès pourtant répandu alors. Quelques détails, donc. Mais le reste est tellement envoûtant qu'on en fait abstraction.

CLASSIQUE

BRUCKNER: SYMPHONIE NO 9, EN RÉ MINEUR

ORCHESTRE MÉTROPOLITAIN DU GRAND MONTRÉAL. DIR. YANNICK NÉZET-SÉGUIN ATMA, SACD22 514

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