La jeune chef d'orchestre canadienne Keri-Lynn Wilson dirigera l'Orchestre Métropolitain en lever de rideau de la nouvelle saison de l'Opéra de Montréal ce soir à la Place des Arts, C'est sa toute première présence à l'OdeM avec cette production d'une oeuvre méconnue de Puccini, La Fanciulla del West.

Enfant, Keri-Lynn Wilson détestait l'opéra. Depuis neuf ans, celle qui dirigera ce soir l'Orchestre Métropolitain dans l'une des rares présentations de La Fanciulla del West, de Puccini, à l'Opéra de Montréal, ne peut plus s'en passer.

 

La chef d'orchestre de 41 ans a grandi dans un environnement musical. Elle rêvait de jouer du violon. Manque de souplesse oblige, elle s'est mise à la flûte «sérieusement» à Juilliard, la célèbre école artistique de New York. À la toute fin, coup de théâtre, elle décide de se lancer en direction d'orchestre.

«Tout ce que j'ai fait dans ma vie comme musicienne m'amenait vers cela. Je jouais du piano, du violon, de la flûte. J'ai accompagné des chanteurs, j'ai enseigné le solfège, j'ai touché à l'administration. C'était la chose à faire», raconte-t-elle en entrevue.

Née à Winnipeg, la filiforme artiste prend plaisir à slalomer entre les clichés. Elle parle un excellent français, mais ce ne sont pas les classes d'immersion manitobaines qui l'y ont amenée. Keri-Lynn Wilson a appris la langue de Molière à Juilliard avec une coloc française.

«Je crois que je parle mal toutes les langues, dit-elle en riant. Même en anglais, c'est marrant, il y a des mots que je ne connais pas.»

Puccinienne?

Elle a assisté Claudio Abbado au Festival de Salzbourg et a travaillé quatre ans comme chef associée à Dallas avant de diriger son premier opéra à Vérone, Lucia di Lammermoor de Donizetti, en 1999. Ensuite, elle y a fait Tosca, dans le mythique amphithéâtre romain, puis La Bohème, Madama Butterfly... Puccinienne pure et dure?

«Non, je fais aussi beaucoup de Verdi et je veux m'attaquer au répertoire russe. J'ai du sang ukrainien et je parle russe», lance la multi-instrumentiste, polyglotte et globe-trotter.

Il s'agit de son premier passage à l'Opéra de Montréal, mais les Montréalais ont déjà pu la voir à quelques reprises à la tête de l'OSM. Elle s'attaque aussi à La Fanciulla del West pour la première fois, comme plusieurs musiciens de l'orchestre d'ailleurs.

«C'est une musique sublime, tellement symphonique. Plus que Turandot même. Le rôle le plus important dans l'opéra, c'est l'orchestre. Et celui-ci (le Métropolitain) est tellement bon. Il fait des miracles», commente celle qui dirigera bientôt à Vienne et à Moscou.

Être femme chef-d'orchestre

Et comment vit-elle la pression de ce qui est encore un début de carrière? Le stress d'être l'une des peu nombreuses chefs d'orchestre féminines? Keri-Lynn Wilson soutient n'avoir jamais souffert d'être une femme dans cette profession.

«Je comprends les musiciens. Après deux minutes avec moi à la barre, ils me jugent comme musicienne et non comme femme. Il y a un respect immédiat, en vertu de la musique, qui dépasse toutes les attitudes machos qu'on peut avoir», explique-t-elle.

En fait, la pression, elle en mange! L'opéra lui plaît, en ce sens. «Tout peut changer dans la mise en scène, l'interprétation, selon l'état des uns et des autres. C'est ça qui est beau», estime-t-elle.

La musicienne semble prête à tout, tout le temps. Elle croit que cela lui vient de sa famille, de son pays, aussi.

«Vive le Canada! C'est un environnement tellement ouvert, croit-elle. À Dallas, j'ai senti des choses terribles. Pendant un concert, j'ai parlé des negro spirituals au public pour expliquer la Symphonie du nouveau monde. Le lendemain, la direction m'a avertie qu'il ne fallait jamais utiliser le mot negro

Montréal et New York restent ses villes préférées en Amérique du Nord. Mariée depuis cinq ans au directeur du Metropolitan Opera de New York, Peter Gelb, elle se fend d'un large sourire en refusant d'en parler. Et l'on comprend qu'elle n'en a nul besoin.