L'été dernier, le duo musicocomique Sèxe Illégal a brillé lors du gala de Pier-Luc Funk au festival Juste pour rire avec un numéro sur la légalisation du cannabis. La Presse a discuté avec Philippe Cignac (Tony Légal) et Mathieu Séguin (Paul Sèxe) - deux consommateurs assumés - de leur rapport au pot, dans la vie comme sur scène.

Quelques mois avant la légalisation du cannabis, Sèxe Illégal a offert à la salle Wilfrid-Pelletier une séance d'information sur le pot sur fond d'absurdité et de provocation, expliquant notamment que «s'il y a quelqu'un qui meurt du pot, c'est que la police lui a tiré dessus», ou encore que le sucre fait bien plus de ravages que l'herbe.

«On a commencé à écrire le numéro l'an passé quand les libéraux ont commencé à parler de légalisation du pot. On est des consommateurs, alors ça nous interpellait plus, disons! On trouvait intéressant de pouvoir parler du pot sans faire le bon vieux numéro d'humour sur la drogue», se rappelle Philippe Cignac, interprète de Tony Légal. «Ça nous fait rire aussi!», coupe son complice sur scène Mathieu Séguin (Paul Sèxe). Les deux humoristes trouvent en effet que les numéros sur le pot - tout comme la perception du public par rapport aux consommateurs - sont remplis de clichés et de stéréotypes qui ne correspondent pas vraiment à la réalité.

Pour Philippe Cignac, la légalisation du cannabis est un angle qui permet ainsi de parler de pot et d'intéresser tous les publics, consommateurs ou non. «L'idée est de dire au public que ça fait partie de la société maintenant, alors ils doivent connaître ça. Ça nous permet aussi de nous éloigner de l'idée du "poteux" du cégep. Je connais des médecins et des avocats qui fument du pot! On compare souvent le cannabis avec l'alcool, car c'est une autre drogue acceptée dans la société. Pourtant, on n'utilise pas les mêmes stéréotypes», note-t-il. «Rendu au milieu de la semaine, les gens capotent en disant sur les réseaux sociaux "c'est vindredi!" parce qu'ils ont tenu quatre jours sans prendre d'alcool, mais tu fumes un joint et les gens pensent que tu joues au hacky sack», renchérit Mathieu Séguin.

Alors qu'ils comparent à la blague le cannabis à la camomille ou au sucre dans leur numéro, le duo n'est pas très loin de penser que fumer est une manière comme une autre de remédier au stress ou encore de se redonner un petit coup de fouet.

«Quand tu te lèves et que tu prends deux cafés parce que tu es fatigué ou que tu prends une camomille pour te calmer, c'est peut-être plus petit, mais tu t'altères quand même. Il y a moyen de doser aussi avec le pot», assure Philippe Cignac.

L'humoriste espère également qu'avec la légalisation, les consommateurs vont être mieux renseignés sur les diverses sortes de cannabis offertes dans le commerce et leurs effets bien différents. «Il y a 1000 sortes de pot! Toute l'idée de fatigue, de perte de mémoire et de gros appétit, c'est plus l'Indica. Si tu fumes Sativa, tu n'auras pas la fatigue et tout le reste. C'est même parfois bon pour le focus. J'ai une application sur mon téléphone [Leafly] avec toutes les variétés et leurs effets ! Ça te permet aussi de consulter les commentaires des gens», explique l'humoriste. «Je ne suis pas un fumeur de pot fort, j'aime fumer la journée, ça me met de bonne humeur, ça enlève mon anxiété, me permet de travailler et de continuer. Je connais des gens qui ont un trop-plein d'énergie qui ont besoin de se descendre», ajoute-t-il.

Légal, vraiment?

Alors qu'il fume depuis près de 20 ans, Mathieu Séguin a vécu une drôle d'expérience l'an dernier sur un trottoir montréalais.

«J'ai eu un ticket! Un an avant la légalisation! Un peu tard, un soir, on sortait d'un bar et j'ai allumé un joint. Un zélé du SPVM est arrivé vers moi en pointant ma fin de joint du doigt. Il est rentré dans son auto, y est resté pendant 20 minutes et est ressorti avec une contravention de 89 $ pour avoir jeté des rebuts sur la voie publique ! Il voulait me punir, mais ne trouvait rien pour le faire! Maintenant, ils vont avoir le papier pour le faire avec la légalisation!», lance-t-il.

Tout comme son complice de scène, Philippe Cignac déplore que malgré la légalisation du cannabis, il soit impossible de fumer dans la rue dans de nombreux endroits au Québec ou qu'il soit impossible de faire pousser une petite quantité de pot chez soi.

«On est dans une société qui boit beaucoup, mais dès qu'on parle du pot, on vire un peu fou, comme si tout le monde allait se mettre à chauffer gelé et à fumer partout et tout le temps. Les gens fument déjà depuis longtemps! C'est un peu une grande farce, la légalisation», estime Philippe Cignac. «Peut-être que dans l'ensemble, la qualité va être un peu mieux contrôlée. Sinon, j'essaye de comprendre ce que ça va me donner. Fumer tranquille dans ma ruelle? Non! C'est aussi interdit. À qui ça sert, alors? Pas aux consommateurs, mais aux producteurs», ajoute-t-il.

Leur premier joint?

Philippe Cignac: «Je m'en souviens très bien, je devais avoir 15 ans. Je l'ai fumé dans les Laurentides pendant les vacances d'été. J'avais trouvé ça ben drôle. Je me souviens qu'on avait mis la télé à mute et qu'on faisait les voix sur Les sentinelles de l'air. On était crampés! J'avais trouvé ça drôle et pas du tout heavy.»

Mathieu Séguin: «J'avais 15-16 ans. J'avais essayé plein d'affaires la même semaine. Ça s'est bien placé malgré tout!»

Fumer avant de voir des spectacles?

Philippe Cignac: «Je ne pense pas qu'il faut fumer pour mieux apprécier les choses. C'est une autre idée préconçue. Il m'arrive d'aller voir un show de musique et de fumer un petit joint pour me laisser flotter. Mais c'est zéro nécessaire pour apprécier la musique de manière générale. Dans notre cas, on ne fait pas de l'humour pour les poteux, mais pour tous.»

Fumer pour augmenter sa créativité?

Philippe Cignac: «Ce n'est pas faux! Les gens essayent toujours de sortir d'eux-mêmes, de s'éloigner. Il y a beaucoup d'auteurs qui ont eu des problèmes d'alcool! Moi, c'est plus la cigarette. En période d'écriture, je recommence à fumer du tabac, car j'ai associé l'écriture à ça. Le pot peut faire partie de notre création, mais ce n'est pas un prérequis. Il fait partie de nos vies, on en consomme de façon régulière. J'aurais pu fumer avant de faire l'entrevue et tu ne t'en serais même pas rendu compte. Je n'en suis pas non plus à fumer des joints le matin! Des fois, ça aide à la création parce qu'on est crampés. Mais parfois, ça nuit aussi.»

Mathieu Séguin: «On a souvent écrit après avoir fumé, parfois non aussi. Ça peut aussi tout bloquer en écriture.»

Fumer avant de monter sur scène?

Philippe Cignac: «Complètement, on le fait souvent!»

Mathieu Séguin: «On connaît si bien nos personnages, c'est ancré en dedans de moi. Mais si j'ai un monologue, je ne vais pas fumer parce que je serais bien trop "dans ma tête".»

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Sèxe Illégal présente son spectacle Légendes du rock et bientôt de l'humour, les 14 novembre et 12 décembre, à la salle Claude-Léveillée.