Cet Amour chien fou, nouvel opus d'Arthur H, s'abat dans tous les jeux de quilles de l'intimité. Bondit sur le ring d'une «boxeuse amoureuse», «court sur l'autoroute», fleurit dans la cour de la «reine de coeur», bouleverse le haut commandement du «général of love», s'illumine «sous les étoiles à Montréal» et sous le spectre lumineux des Lhasa et Cohen, se révèle au clair d'une «moonlove déesse», s'attendrit avec un chaud «Tokyo kiss», s'ébaudit dans un «carnaval chaotique»... et plus encore.

Créées à travers un périple d'inspiration en Asie et en Amérique, ces 18 chansons s'incarnent dans le 10e album studio d'Arthur H - son 12e si l'on considère les deux opus créés de concert avec le guitariste, compositeur et improvisateur Nicolas Repac, qui s'est investi de nouveau auprès de son grand ami.

Dr. Jekyll et Mr. Hyde

Une troisième personne a fait partie du noyau créatif: Léonore Mercier. Souvenez-vous, en 2016, Arthur H avait imaginé un voyage immersif dans la Satosphère de Montréal, prolongement 3D d'un livre de poésie publié chez Actes Sud. La designer sonore et artiste multidisciplinaire, de surcroît sa compagne, l'avait accompagné dans le processus. À l'évidence, cette relation créatrice s'est intensifiée dans la réalisation d'Amour chien fou.

«Léonore est codirectrice artistique de cet album parce que c'est important de se donner des titres, parce qu'on est en France, après tout... comtesse, duchesse», ironise notre interviewé, joint en France.

Entre autres propositions retenues au finish, Léonore Mercier a suggéré à Arthur H de séparer ses nouvelles chansons en deux univers distincts. Amour chien fou, quitte... et double!

«Pourquoi ne pas laisser choisir les gens entre ces deux pôles de mon travail? Choisir entre Dr. Jekyll et Mr. Hyde? Cette suggestion m'a parlé, car je préfère moi-même qu'on m'emmène à un endroit sans que je sorte de l'histoire.»

«Les chansons d'un album doivent maintenir une trame dramatique pour vivre dans le quotidien des gens, pour les côtoyer intimement», croit l'auteur, compositeur et interprète français.

D'une part, donc, Amour chien fou se veut une collection de ballades allégoriques d'Arthur H et, d'autre part, il se veut un enchaînement de musiques plus toniques que le chanteur se plaît à qualifier d'« électro-disco-rock-chaotiques ».

«Tu pars dans un voyage, tu traverses des histoires avec plein de ressentis: amour destructeur, amour "solide qui soutient la colonne invisible", amour sensuel, joyeux, émancipateur, etc. Le voyage se conclut par une rédemption, une libération, une envolée vers le cosmos ou même la mort, évoquée dans Le passage (Gong Song). Voilà le désir de raconter une longue histoire.»

Voilà autant de tableaux féériques, mirages oniriques, pensées fantasmatiques, remarquables dans cet Amour chien fou. Voilà autant de fresques typiques de l'imaginaire luxuriant de l'artiste.

Une collection de sons

L'exploration ici proposée n'est pas que virtuelle: Arthur H et Léonore Mercier ont cueilli des sons et des images au Mexique, à Bali, au Japon. Sons de gamelan balinais, sons de la nature, sons urbains furent les matières premières d'Amour chien fou.

«Léonore est une artiste d'aujourd'hui; elle peut appréhender le son et l'image avec les technologies appropriées, souligne avec admiration son partenaire intime. Qui plus est, elle m'a soumis énormément d'idées et de suggestions pour les textes et les musiques. Elle a récolté et traité des sons et des voix. Elle a réalisé le clip de La boxeuse amoureuse - où Marie-Agnès Gillot danse avec Roschdy Zem.»

Quant à son complice Nicolas Repac, Arthur ne tarit pas d'éloges à son égard:

«Il a volé les âmes de vieux morceaux en les échantillonnant, il les a détournés, leur a redonné vie et m'en a fourni la matière fantomatique. Et puis, il y a son jeu fantastique à la guitare, avec plein d'accidents et de surprises. Il crée dans la spontanéité, se jette dans le vide, apporte une grande richesse à mes chansons. De plus, il a joué un rôle important dans la réalisation de cet album, sachant quel musicien s'adjoindre pour mener à bien l'affaire.»

Touche montréalaise

La touche finale d'Amour chien fou fut apportée à Montréal.

«C'était important pour moi de finir ainsi, raconte Arthur H. Je voulais bénéficier des oreilles fantastiques de mon ami Jean Massicotte; je voulais sa précision, son sens de l'espace, sa conception du son très large et très chaude, une sensibilité que je partage.»

«Je voulais dans cet album des choses qui ne sont pas que françaises. J'adore la France, mais mon âme n'est pas à 100 % française, elle est moins définie.»

On se doute bien que cette nouvelle matière sonore adoptera d'autres formes sur scène; un cycle de spectacles s'amorce dès février.

«Je reviens au concept cabaret, annonce le performer. Je retourne à une approche beaucoup plus fragile que le concert rock. On sera trois sur scène: Nicolas, moi, un autre, sans basse ni batterie. Pour chaque morceau, on devra trouver une solution invraisemblable. On gardera tout ça low tech, le processus restera organique, très vivant. Les chansons seront mises en scène, théâtralisées avec la collaboration de mon frère Kên.

«On souhaite faire en sorte que le geste du musicien s'apparente à celui du magicien.»

CHANSON. Amour chien fou. Arthur H. AllPoints France.

Image fournie par AllPoints France