L'an dernier à la Maison symphonique, Julian Prégardien s'était illustré en campant le rôle de l'Évangéliste, confié à un ténor dans la Passion selon saint Matthieu, BWV 244, de Jean-Sébastien Bach, alors exécutée par l'OSM sous la direction de Kent Nagano. Après avoir été un artiste central lors ce concert phare du Festival Bach en 2016, revoilà le chanteur allemand à Montréal pour un mandat plus considérable dans le contexte du même festival.

Concert avec I Musici de Montréal, récital avec la pianiste Tamar Halperin, deux ateliers publics, telle est la charge de travail que nous nous proposons de parcourir avec notre interviewé, joint en Europe avant la grande traversée.

Pour le concert de lundi avec l'orchestre de chambre québécois, il trouve « très intéressant » d'unir deux périodes distinctes de la grande musique au sein d'un même programme : 

« C'est une idée commune des directions artistiques d'I Musici et du Festival Bach que de combiner les forces et nos idées autour d'une rencontre entre l'époque baroque et la musique du XXe siècle. Il est désormais acquis que les musiques modernes et baroques peuvent fort bien cohabiter. Ainsi, le compositeur anglais Benjamin Britten (1913-1976) peut être compatible avec Henry Purcell ou Jean-Sébastien Bach. De plus en plus de compositeurs d'aujourd'hui, d'ailleurs, s'intéressent aux sonorités émanant des instruments anciens. »

Pour Julian Prégardien, ce sera une première expérience avec I Musici. Il envisage avec enthousiasme son travail sous la direction du maestro Jean-Marie Zeitouni.

D'autre part, le Festival Bach mise beaucoup sur le récital donné par le ténor, prévu le lendemain mardi, de concert avec la pianiste israélienne Tamar Halperin. Ce faisant, l'artiste allemand s'inspire d'une pratique courante en Europe... au XIXe siècle.

PIÈCE ORIGINALE DE TAMAR HALPERIN

« Régulièrement, explique-t-il, on combinait alors la musique vocale et la musique instrumentale dans le cadre de récitals. On voulait offrir au public la meilleure musique actuelle et la meilleure musique des époques antérieures. La pianiste et compositrice Clara Schumann, par exemple, présentait des programmes très diversifiés dans cette optique. Et c'est pourquoi nous allons intégrer cette idée en suggérant une variété de propositions. »

Des oeuvres de Jean-Sébastien Bach, Carl Philipp Emanuel Bach, Hugo Wolf, Ludwig van Beethoven, Martin Luther et Felix Mendelssohn-Bartholdy seront interprétées au cours de ce récital, sans compter une pièce originale de Tamar Halperin inspirée d'une improvisation sur la musique de Bach.

Julian Prégardien se montre très heureux à l'idée de travailler avec la pianiste : 

« Elle vit en Allemagne, nous nous connaissons depuis un moment et nous échangeons des idées pour un projet artistique commun. Je connais aussi son mari, le très célèbre contre-ténor Andreas Scholl. Il y a quelques années, j'avais été frappé par un extrait de son travail à la télévision avec le pianiste de jazz Michael Wollny, avec qui elle a donné plusieurs concerts. Par ailleurs, ses interprétations des Six pièces pour piano (Sechs Klavierstücke), op. 118, de Brahms m'avaient tellement touché que je m'étais promis de travailler avec elle un jour. »

Julian Prégardien s'annonce aussi pédagogue à Montréal.

« L'an dernier, j'avais donné une classe de maître à l'École de musique Schulich de l'Université McGill. Cette fois, deux ateliers publics seront consacrés à la Passion selon saint Jean (Passio secundum Johannem), BWV 245, de JS Bach. »

- Julian Prégardien

« Ces ateliers s'adressent aux élèves de trois facultés de musique : le Conservatoire de musique de Montréal, l'Université de Montréal et McGill, rappelle Julian Prégardien. J'en suis très fier et cela s'inscrit dans une démarche professorale qui fait aussi partie de ma carrière - j'enseigne désormais à la Hochschule für Musik und Theater de Munich. Depuis mes débuts, d'ailleurs, la pédagogie m'a toujours importé. »

DE PÈRE EN FILS

Fils d'un ténor célèbre, Christoph Prégardien, notre interviewé trentenaire (né en 1984) a dû préciser seul son identité vocale afin de dissiper toute confusion et tout préjugé quant à son choix de carrière, vu ses antécédents familiaux.

« Ce fut un long cheminement, raconte-t-il. Tous les chanteurs et instrumentistes doivent composer avec leurs modèles et leurs idoles, ils sont profondément intégrés à leur âme de musicien. Dans mon cas, je devais aussi composer avec la stature de mon père. Heureusement, il fut très délicat dans mon développement, ayant pris soin de ne pas me juger et de laisser l'évaluation à d'autres professionnels. »

Julian Prégardien dit avoir trouvé son identité dans la pratique du chant, et non dans une quête forcée.

« J'ai eu la chance de me produire en public très tôt dans mon parcours. J'ai pu trouver ma propre expression tout en exerçant mon métier. Je pense aujourd'hui être un chanteur expressif et stylistiquement informé, mais je me réjouis d'avoir trouvé mon propre style en chantant devant public, et non en cherchant consciemment à le préciser à travers le regard des professeurs. »

À l'évidence, le ténor a identifié ses propres forces qu'il met en oeuvre dans tous les contextes où il est impliqué.

« Dès mon plus jeune âge, conclut-il, il m'était apparu que je deviendrais musicien ou chanteur. Aujourd'hui, je peux dire que je suis un musicien qui chante. J'aime cette expression très ancienne de musicus cantor, qui désigne le chanteur, le musicien, l'érudit. »

Inutile d'ajouter que Julian Prégardien aspire à cette sagesse.

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Avec I Musici de Montréal, salle Bourgie, lundi, 20 h ; en récital avec Tamar Halperin, salle Bourgie, mardi, 19 h 30 ; ateliers publics au Conservatoire de musique de Montréal, mercredi et jeudi