Il est l'un des rares réalisateurs à avoir composé la musique de la majeure partie de ses films. Des partitions reconnaissables dès les premières notes, qu'il joue maintenant sur scène avec son fils et son filleul. Dans le cadre de sa tournée « anthologie », le créateur du film Halloween est de passage à Montréal.

À près de 70 ans, John Carpenter appartient à la catégorie très sélecte des cinéastes cultes.

Mais il ne l'a jamais eu facile. Manque de budget, échec commercial de films qui sont aujourd'hui vus comme des classiques, Carpenter a longtemps été considéré aux États-Unis comme un réalisateur de série B - et en Europe comme un authentique auteur. Les plus grands cinéastes, de Cameron à Tarantino, saluent maintenant l'influence du créateur de The Thing, The Fog, Halloween, Escape From New York, Christine, They Live et Big Trouble in Little China, qui sont de pures jouissances de cinéphiles du genre.

Il y a le style Carpenter. Et il y a le son Carpenter. Ce travailleur acharné, qui a grandi avec un père professeur de musique, a composé en grande partie la musique de ses propres films, que même ceux qui ne les ont jamais vus peuvent reconnaître. La plupart du temps dans une espèce de rush créatif de moins d'une semaine, sur les premières générations de synthétiseurs qui ont donné le son distinctif des années 80, dans un esprit têtu de débrouillardise.

Est-ce que ça lui manque, ces furies de composition ? « Oui et non, répond-il au bout du fil. C'est une vision un peu romantique parce que, vous savez, c'était énormément de travail. »

Le compositeur trouve « intéressant » de revisiter son oeuvre musicale.

« C'est vraiment amusant, mais c'est aussi déprimant. Parce que je n'avais pas réalisé à quel point ce que j'ai fait est simple. Il n'y a rien de mal à ça, mais, man, c'est simple ! »

- John Carpenter

Le musicien se plaît néanmoins à réenregistrer cette musique, à lui apporter une nouvelle vie. « La technologie aujourd'hui est tellement plus avancée que lorsque j'ai commencé. C'est incroyable. »

Coup de bol, ce son des années 80 est revenu à la mode chez les compositeurs les plus branchés, qui se passionnent pour les musiques de Moroder, Vangelis, Tangerine Dream, Goblin et, bien sûr, Carpenter. « Hé hé, ricane-t-il. C'est génial. C'est merveilleux, cette vague de nostalgie pour les années 80, je ne sais pas pourquoi elle existe, et qui le sait ? Mais c'est bien pour moi. »

Il ne sait pas trop ce qui fait une bonne musique de film d'horreur ni même ce qu'est au juste le « style Carpenter ». « Je n'aime pas trop y penser, ça me rend nerveux. Mais disons que si vous avez peur en voyant un film, c'est probablement que la musique fonctionne pour vous. Mais parfois, dans un film d'horreur, l'absence de musique est plus importante... »

UNE AFFAIRE DE FAMILLE

La musique est demeurée une affaire de famille chez les Carpenter puisque le « maître de l'horreur » (c'est ainsi qu'il est désigné, ce qu'il souligne fièrement sur son compte Twitter) est accompagné sur scène par son fils Cody et son filleul Daniel Davies, avec qui il a fait les deux albums Lost Themes et, plus récemment, Anthology : Movie Themes 1978-1994, qui se trouve au coeur du show qu'il propose. 

« Je n'avais pas prévu ça dans ma vie et j'adore ça. Il n'y a rien de comparable au fait d'être avec mon fils et mon filleul. C'est en partie la raison pour laquelle je voulais faire cette tournée, parce que c'est tellement de plaisir. C'est formidable d'avoir cela à ce moment de ma vie. »

- John Carpenter

Est-ce plus stressant d'être sur scène, devant un public, que derrière une caméra ? « C'est une proposition assez effrayante pour moi d'aller sur scène et de me montrer, mais j'y suis maintenant habitué. C'est beaucoup plus facile que de faire des films. Je veux dire, tout ce que vous avez à faire est de jouer de la musique pour les gens. Ce n'est pas difficile, c'est seulement du fun. Oh mon dieu que c'est beaucoup de fun ! »

Carpenter aurait pu composer la bande sonore de Stranger Things, qui s'inspire pas mal de son style, mais l'idée d'être uniquement compositeur de musique ne l'effleure pas vraiment. « Oh non non non, répond-il en riant beaucoup. Je ne veux pas faire ça. Je suis avant tout un réalisateur. Ma passion réside dans la création de films. Je ne serais pas bon pour personne d'autre. »

Bref, John Carpenter se paye la traite avec cette tournée familiale, qui attire selon lui autant les fans de la première heure que les plus jeunes. « Je suis heureux dans ma vie. Les jours de stress incroyable sont pas mal derrière moi. » 

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Au MTELUS le 13 novembre

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John Carpenter en cinq thèmes

HALLOWEEN 

1978

En 1978, Carpenter lance l'un des premiers authentiques « slashers » et introduit un nouveau croque-mitaine : Michael Myers.

ESCAPE FROM NEW YORK 

1981

Snake Plissken, le héros incarné par Kurt Russell, qui a 24 heures pour retrouver le président des États-Unis échoué dans l'île de Manhattan devenue une gigantesque prison, est devenu un personnage culte.

THE FOG 

1980

Les fantômes d'un navire échoué il y a 100 ans s'en donnent à coeur joie pour massacrer les habitants d'un petit village.

THE THING 

1982

Certainement l'un des meilleurs films d'horreur des années 80. La musique est cependant celle d'Ennio Morricone, qui a parfaitement respecté le style de John Carpenter.

PRINCE OF DARKNESS 

1987

Personne n'a oublié dans ce film la présence d'Alice Cooper en clochard épeurant, attiré par rien de moins que la source du Mal (avec un grand M) analysée par des étudiants qui vont s'en mordre les doigts.