David Crosby a vu disparaître bon nombre de ses amis musiciens ces dernières années. Pourtant, il est toujours là, plus productif que jamais, lui qui a eu tous les problèmes de santé qu'on puisse imaginer et qui a consommé plus de drogue que les plus défoncés de ses collègues.

«Je suis chanceux, j'imagine, dit Crosby au téléphone depuis Des Moines, en Iowa, où s'arrêtait mercredi dernier la tournée qui l'amènera au Théâtre Maisonneuve vendredi. À cette étape de ma vie, je perds des amis pas mal souvent, et c'est difficile à digérer. Mais il n'y a rien qu'on puisse y faire, alors...»

Crosby pouffe aussitôt d'un rire qui témoigne du plaisir bien réel qu'il éprouve à jouer de la musique à 76 ans. Les rigueurs de la vie de tournée, la mauvaise bouffe, les nuitées à l'hôtel et la solitude loin de la famille, il s'en passerait bien. 

«Le seul bon côté de la vie de tournée, c'est que je chante. Et c'est vraiment bon.»

Un conte de fées

Oui, la vie a été bonne malgré tout pour David Crosby. Ses retrouvailles improbables avec son fils James Raymond tiennent du conte de fées. Crosby avait donné son fils en adoption à sa naissance en 1962 et fiston, qui ne savait rien de ses parents biologiques, a retrouvé son paternel alors que celui-ci s'apprêtait à subir une greffe du foie au début des années 90. Crosby avait désormais un fils dans la trentaine qui était lui aussi un musicien accompli.

«Si quelqu'un vous dit que la musique n'est pas dans les gènes, dites-lui de venir nous voir», lance en rigolant David Crosby qui, des années après avoir fondé le groupe CPR avec James Raymond et le guitariste Jeff Pevar, continue à collaborer avec son fils sur son dernier album aux accents jazz, Sky Trails. Raymond et Pevar sont d'ailleurs du groupe de musiciens qui accompagnent Crosby en tournée présentement.

«C'est dans ma nature depuis longtemps, rappelle Crosby en référence à son affinité avec le jazz. Il n'y avait pas beaucoup de jazz dans les trucs que j'ai écrits pour les Byrds mais, avec Crosby, Stills and Nash, je penchais de ce côté et je l'ai fait encore plus dans mes albums solo. Et puis, j'ai commencé à travailler avec mon fils James qui aime la même musique que moi. C'est devenu plus élaboré, plus complexe, comme quand j'ai fait mon album Lighthouse avec Michael League [du groupe Skinny Puppy] l'an dernier.»

Joni et les Beatles

Papa et fiston sont deux fans avoués de Steely Dan, et David Crosby reconnaît d'emblée que ça s'entend sur She's Got To Be Somewhere, la première pièce de son nouvel album. 

Il reprend également sur cet album la chanson Amelia qu'avait enregistrée son amie Joni Mitchell sur son album jazz Hejira en 1976. On l'a peut-être oublié, mais c'est Crosby lui-même qui avait réalisé le premier album de la grande artiste canadienne, Song to a Seagull, en 1968.

«L'album Blue de Joni est probablement l'un des meilleurs disques jamais enregistrés. Je ne vois pas d'autre disque aussi bon, sinon peut-être Revolver [des Beatles]. Joni est probablement la meilleure d'entre nous tous», ajoute Crosby en faisant référence à la communauté d'auteurs-compositeurs avec lesquels il a tissé des liens étroits et qui comprenait notamment Jackson Browne, James Taylor, Paul Simon, Paul McCartney ainsi que, évidemment, Stephen Stills, Graham Nash et Neil Young.

Crosby explique en partie sa poussée de créativité récente - trois albums en quatre ans et un quatrième en préparation - par la séparation de Crosby, Stills and Nash, avec ou sans Young.

«Ce fut une très bonne chose, dit-il. Quand on a commencé, on s'aimait les uns les autres et on appréciait beaucoup la musique de chacun. Mais après 40 ans, ça a régressé au point où on faisait juste partir la machine à boucane et jouer nos hits. Aujourd'hui, je ne fais plus d'argent, mais je fais de la très bonne musique.»

Des retrouvailles de CSNY?

L'an dernier, Graham Nash a pourfendu David Crosby dans une interview accordée à un magazine néerlandais. «J'ai sauvé sa peau pendant 45 ans, et il m'a traité comme de la merde!», a dit Nash, reprochant notamment à Crosby d'avoir irrité Neil Young en médisant sur sa conjointe, l'actrice Daryl Hannah. Les deux hommes n'ont pas fait la paix depuis, dit Crosby qui n'écarte pas pour autant la possibilité de retrouvailles avec Stills, Nash et Young qui, il est vrai, ont aujourd'hui une motivation commune: prendre la parole contre Donald Trump.

«Je ne compte pas là-dessus, mais il ne faut jamais dire jamais, répond Crosby. Parfois, la musique est plus forte que les ego, et on se serre les coudes. Si Neil voulait réunir CSNY - ce dont je doute -, je le ferais. Je n'ai pas de problème avec ces gars-là, je les aime tous et je suis fier des très bons disques que nous avons faits ensemble. Par contre, on ne s'entend pas vraiment présentement et c'est important pour moi d'aller de l'avant et d'être heureux. Mais s'ils m'appelaient pour reformer CSNY, je n'hésiterais pas une seconde.»

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Au Théâtre Maisonneuve le 10 novembre, 20 h.

Photo Archives Reuters

Neil Young, Graham Nash, David Crosby et Stephen Stills en 1999