Lundi, les groupes Octobre et Karkwa se reformeront le temps d'une soirée sur la scène du MTELUS à l'occasion d'un spectacle-bénéfice pour financer la reconstruction du Théâtre de la Vieille Forge, ravagé par les flammes au mois d'août. Le directeur du Festival en chanson de Petite-Vallée, en Gaspésie, Alan Côté, est l'instigateur de ces réunions qui prennent des allures d'événement. Il a décortiqué avec nous les similitudes entre les deux formations cultes.

PETITE-VALLÉE

Les deux groupes ont un lien particulier avec le Festival en chanson de Petite-Vallée. Les membres de Karkwa y ont fait leurs premiers pas. « Ils participaient à une résidence d'écriture qui s'appelait Grand huit, raconte Alan Côté qui, soit dit en passant, est le cousin germain de Louis-Jean Cormier. Le jour, ils faisaient de la chanson musette avec des musiciens français. Le soir, ils répétaient du Karkwa... » Quant à Octobre, la dernière fois que les membres du groupe ont joué ensemble, c'était à Petite-Vallée, en 2006, lors d'un hommage à Pierre Flynn. « En coulisse, il y avait Yann Perreau, Antoine Gratton, Daniel Boucher, qui n'en revenaient pas de voir Octobre sur scène ! »

PARCOURS

Les membres des deux groupes ont commencé à faire de la musique à un très jeune âge, rappelle Alan Côté. « Pierre avait 17 ans quand Octobre s'est formé. Karkwa, ils avaient plus autour de 19, 20 ans, mais c'était leur deuxième band. Le groupe est né au cégep de Saint-Laurent. En fait, ce sont deux groupes de cégep. » Leurs durées de vie sont aussi assez similaires. Onze ans pour Octobre, de 1971 à 1982, pendant lesquels le groupe a fabriqué sept disques. Karkwa a duré 14 ans, mais s'il s'est formé en 1998, le groupe dans sa composition officielle a lancé son premier disque en 2003 seulement. Karkwa s'est séparé en 2012, un an après la sortie de son quatrième album, Les chemins de verre.

DES CHANTEURS CHARISMATIQUES

À la fois chanteurs, auteurs et compositeurs, Pierre Flynn et Louis-Jean Cormier ont été l'incarnation de leurs groupes, autant par leurs multiples talents que par leur charisme. Tous deux connaissent par ailleurs une fructueuse carrière solo. « Le disque Le parfum du hasard de Pierre Flynn, en 1987, c'était quand même quelque chose », dit Alan Côté, qui a vu Octobre en spectacle en 1982, lors de sa dernière tournée. « J'étais au cégep à Rimouski. Je me souviens de Flynn habillé tout en blanc... Je le trouvais prétentieux ! » Pierre Flynn a fait cinq disques, dont le plus récent, Sur la terre, a été réalisé par... Louis-Jean Cormier. En plus de l'immense succès de ses deux albums solos, Le treizième étage et Les grandes artères, ce dernier est devenu un acteur incontournable du milieu musical, particulièrement comme réalisateur. Pierre Flynn et Louis-Jean Cormier ont participé à de nombreuses oeuvres collectives, dont Douze hommes rapaillés.

RECHERCHE

Si les deux groupes sont vite devenus cultes, c'est qu'ils ont été bien de leur temps, croit Alan Côté. « Ils ont réussi à rassembler du monde de leur génération, mais à partir des autres musiciens. » Les membres d'Octobre et de Karkwa, dit-il, sont des « intellos » de la musique. « Ce sont des décrocheurs, ils ne sont pas allés à l'université, mais ce sont aussi des connaisseurs. Ils ont été sur le terrain, ce sont des fouilleux instinctifs aux connaissances musicales très fortes. » Ce n'est pas pour rien que plusieurs d'entre eux ont continué à travailler avec de nombreux chanteurs. Mario Légaré et Pierre Hébert sont devenus des piliers de la chanson québécoise pendant les années 80 et 90, tout comme Julien Sagot et François Lafontaine aujourd'hui.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Alan Côté, président du Festival en chanson de Petite-Vallée, a été l'instigateur de la réunion des deux groupes.

STRUCTURE 

Si Karkwa et Octobre ont réussi à rallier musiciens et mélomanes autour de leurs oeuvres, c'est avant tout grâce à leur approche musicale innovatrice et alternative. « Ils ne sont pas dans les accords traditionnels, ils ont des tounes qui durent sept minutes..., dit en souriant Alan Côté. Bien sûr, il y a des couplets et des refrains, mais aussi des bridges, des envolées. La structure est souvent complexe et évolutive. » Tout cela se reflète dans leurs textes, qui sont comme des road movies. « On se promène à travers les tounes dans les lieux, les atmosphères. Il y a toujours une quête. C'est très urbain, on parle de la ville, de la matière, de feu, des émotions aussi. »

FERVEUR

Lorsque les billets du spectacle de lundi ont été mis en vente, 700 se sont envolés en une seule journée. Comment expliquer une telle ferveur ? « Je ne sais pas... Même s'ils ont connu du succès, il y a quelque chose de pointu chez les deux groupes. J'imagine que quand tu y adhères, il faut vraiment qu'ils te déçoivent pour que tu décroches. » En tout cas, pour les amateurs de rock progressif des années 70, l'occasion de voir le groupe mythique sur scène est trop rare pour la manquer. Quant aux fans qui ne se sont jamais remis de la séparation de Karkwa, ce spectacle sera une occasion de les revoir à l'oeuvre pendant trois quarts d'heure minimum. Peut-on espérer les voir revenir ensemble ? « Il y a un beau test là, dit Alan Côté. Je pense que ça va leur tenter pas mal. En même temps, Octobre avait fait un show au Festival de jazz pendant les années 90, et ils n'ont jamais eu envie de reprendre... »

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La grande réunion, au MTELUS, le 23 octobre à 20 h

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

De gauche à droite : Julien Sagot, Martin Lamontagne, François Lafontaine, Stéphane Bergeron, Louis-Jean Cormier, Pierre Flynn, Mario Légaré et Jean Dorais