Tire le coyote est le genre d'artiste qu'on aime beaucoup ou pas du tout. Avec son vibrato, son folk mélancolique, ses textes poétiques, son regard bleu et son charme discret, il s'est construit en quelques années une communauté fervente de fans. Mais nombreux sont ceux qui ne supportent pas sa voix de falsetto et son univers ultrasensible.

«J'en suis conscient, mais ça ne me dérange plus, dit le principal intéressé, Benoit Pinette de son vrai nom. Je préfère ça à l'indifférence. Je n'aime pas ce qui ne se démarque pas.»

La réputation de Tire le coyote s'est construite lentement mais sûrement. Le chanteur arrive ces jours-ci avec Désherbage, son quatrième disque en huit ans, fort du succès qu'il a connu avec son précédent, Panorama, sorti en 2015. Signe de succès qui ne trompe pas: il a déjà une soixantaine de spectacles prévus partout au Québec jusqu'au printemps 2018.

«La grande chance, c'est que pour la première fois, les diffuseurs nous ont inscrits dans leur programmation avant même d'entendre le disque», dit-il, reconnaissant. Le plaisir de se savoir désiré vient avec sa part d'angoisse, surtout pour lui qui voit sa relation avec le public comme un échange. Il l'avoue, il s'est mis un peu de pression en pensant aux attentes.

«Je me plais à dire que je ne suis pas une vedette populaire en termes de quantité de fans. Mais j'ai des fans fidèles et quand ils aiment, ils aiment.»

«Quand j'écrivais, je pensais à une personne en particulier, qui est venue me voir sept, huit fois en spectacle, et je me disais: "J'espère qu'elle va l'aimer, cette chanson-là." Je me rends compte que ça doit être dur d'avoir un succès populaire, quand tu deviens l'interprète d'une seule chanson. Mais ce n'est pas ce que je vise.»

La recherche de la durée

La radio commerciale ne fait pas jouer Tire le coyote et ce dernier recherche la durée plutôt que le succès instantané. «Avec toute l'offre qu'il y a, ça reste le plus grand défi, de savoir si on sera encore là dans cinq ans.» Le chanteur de 36 ans l'admet, c'est surtout un univers que les gens recherchent chez lui. Un univers «mélancolique, sensible, proche des émotions», porté par cette voix particulière rappelant Neil Young et qui est devenue sa marque de commerce.

«Quand je chante avec ma voix grave, c'est plus parlé et j'ai moins la possibilité de me promener. Alors que ma voix haut perchée me permet de lier les notes sur une syllabe, dit le chanteur qui a toujours aimé les voix atypiques à la Thom Yorke. Je suis sensible aux voix émotives, fragiles. C'est celle que j'ai trouvée pour m'exprimer. Après, c'est un exercice de style, qui vient avec un mélange d'instinct et d'expérience.»

L'appel de la poésie

L'art de Tire le coyote, c'est aussi des textes soignés et poétiques. L'auteur-compositeur-interprète est toujours à la recherche de l'image juste, de la tournure qui étonne. Très inspiré par Desjardins - «Il n'a pas d'équivalent. Tu peux juste le lire et tu sais que c'est du Desjardins» -, il rêve de tâter de la poésie. 

«J'en lis beaucoup, particulièrement les poètes québécois comme Marie-Andrée Gill, Annie Lafleur, Michel Pleau, Natasha Kanapé Fontaine... Pour moi, la poésie est l'endroit où la liberté est la plus pure en écriture», dit le chanteur, qui se sent parfois à l'étroit à l'intérieur des structures de chansons.

«Comme j'ai déjà une écriture imagée, j'aimerais expérimenter la poésie. Quand j'écris, je pars souvent d'un état d'âme, d'une image forte, plutôt que d'avoir un but. Je sais rarement quel sera le thème d'une chanson avant de la commencer.»

Le titre du disque, Désherbage, représente pour lui un désir d'aller à l'essentiel. «C'est comme un désherbage de l'âme. J'aime cette image parce que même si tu enlèves les mauvaises herbes, il y a des chances que ça repousse. Donc il faut être vigilant, car on n'est à l'abri de rien.»

Le chanteur l'admet d'emblée, il est tenaillé par l'angoisse et la peur. Mais même si Désherbage continue à être traversé par les grandes questions existentielles, il essaie de se dompter. «Beaucoup de textes ont des liens avec l'enfance. Je me fais aussi un devoir de parler de l'amour réparateur. Il y a beaucoup de références au temps également, parfois j'ai l'impression de faire le pont entre le passé et le futur, comme si je voulais incarner le présent.»

Ce pont, il le fait aussi musicalement. Toujours ancré dans les racines de la musique américaine - Tire le coyote est un amateur de vieux blues des années 20 et 30 -, il continue à vouloir emmener le folk toujours un peu plus loin. Il a ainsi laissé tomber clarinette et banjo pour une approche plus rock, plus enveloppée.

«Je voulais sortir un peu de ce son country, comme la chanson Moissonneuse-batteuse sur mon dernier disque, qui était un country rock assez typique. J'avais envie d'une chanson folk plus appuyée, un peu comme fait Wilco. Mais sans jamais oublier que la toune a d'abord été composée avec une guitare acoustique.»

Quelle vie souhaite-t-il à son disque? «De laisser des traces. Pas de manière prétentieuse! J'espère une longue vie, toucher les gens. J'espère juste être écouté par les bonnes oreilles.»

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FOLK. Désherbage. Tire le coyote. La Tribu.

Image fournie par La Tribu

Désherbage, de Tire le coyote