Avant que le shoegaze rock et la dream pop ne deviennent des tendances circonscrites dans un paysage pop-rock de plus en plus fragmenté, avant l'arrivée des Beach House, Blonde Redhead et autres Grimes, il y avait Cocteau Twins, My Bloody Valentine, Ride, Lush, Curve, Chapterhouse... Il y avait aussi Slowdive, qui revient par la grande porte de l'Olympia, ce soir même.

La formation de Reading était apparue à la fin des années 80 et s'était éclipsée au milieu des années 90. Sous étiquette Creation, le quintette avait lancé les albums Just for a Day (1991), Souvlaki (1993) et Pygmalion (1995), pour ainsi susciter un grand intérêt auprès des auditoires dits alternatifs de l'époque. Ces publics étaient férus des tendances britanniques préconisant une fine dialectique entre mélodies aériennes et harmonies saturées sur fond de rythmes binaires solidement exécutés.

Puis ces groupes shoegaze ont décliné ou disparu, et furent remplacés par d'autres que l'on associe davantage à la catégorie dream pop. Mais... certains vétérans issus de l'époque fondatrice n'ont pas dit leur dernier mot.

En 2014, les musiciens de Slowdive se réunirent pour quelques concerts et y prirent plaisir au point d'en faire une priorité: Rachel Goswell (chant, guitare), Simon Scott (batterie), Neil Halstead (chant, guitare, textes), Nick Chaplin (basse), Christian Savill (guitare) viennent de lancer chez Dead Oceans un nouvel album sans titre et qui en comprend huit bien sentis.

«Nous avions fait une série de festivals et concerts, ce qui nous avait finalement menés à près d'un an de tournée », raconte Rachel Goswell, jointe chez elle à Devon, soit à la veille de son départ pour l'Amérique du Nord.

«Cette réunion, s'empresse-t-elle de préciser, n'avait rien de nostalgique. Lorsque nous avons décidé de reprendre, c'était du sérieux: nous ne voulions pas nous asseoir sur notre vieux matériel, nous voulions en composer du neuf. Entre la fin et le renouveau de Slowdive, l'écart temporel était considérable, il fallait donc travailler ensemble pendant une longue période afin de retrouver nos marques, en tant que musiciens et en tant qu'êtres humains. Puisque nous avons tous apprécié l'expérience, nous avons décidé de faire un album.»

Séparés pour mieux se retrouver

Les membres de Slowdive, faut-il aussi le préciser, ne sortaient pas de la retraite lorsque la réunification fut envisagée. Chacun avait poursuivi sa quête artistique à travers d'autres formations et projets solos.

Lorsque Slowdive fut largué par le label Creation, Halstead, Goswell et McCutcheon fondèrent Mohave3 et conclurent une entente chez 4AD. On doit cinq albums à ce groupe de facture dream pop mâtinée par le country-folk, parus de 1995 à 2006. Pour sa part, Simon Scott s'est impliqué au sein de différentes formations (Televise, Longwold, etc.) et a lancé plusieurs enregistrements de type ambient. Quant à Christian Savill, il fonda le groupe Monster Movie, d'esprit dream pop et shoegaze. Et l'on ne compte pas les autres projets solos de chacun.

Ce retour de Slowdive, insiste Rachel Goswell, est l'expression du libre arbitre, ce qui a teinté l'attitude générale de ses membres pour la suite des choses: 

«Puisque nous n'avions pas de contrat de disque, explique-t-elle, nous n'avions pas la pression d'une date butoir. Pendant 18 mois, nous avons enregistré sporadiquement. Nous avons trouvé de nouvelles idées en répétant et en improvisant, l'album a lentement pris forme et lorsqu'il fut prêt, c'est-à-dire lorsque nous fûmes entièrement satisfaits du résultat, nous l'avons sorti sans pression.»

Sur scène, Slowdive fera quand même plaisir aux fans de la première ligne, quoique...

«Nous jouons la matière du nouvel album mais aussi du matériel des anciens disques. Or, plus on rejoue ces chansons, plus elles se transforment au gré du présent.Ces chansons ont leur existence propre», estime notre interviewée.

Fier de son héritage, surpris de sa notoriété

Et que pense Slowdive de l'héritage que le groupe et ses contemporains ont laissé aux nouvelles générations dream pop ou shoegaze?

«Lorsque Chris Coady a mixé le nouvel album, raconte Rachel Goswell, il a établi une parenté directe avec des groupes tel Beach House que nous aimons tous au sein de Slowdive. Nous sommes heureux de constater que plusieurs jeunes groupes s'inspirent de notre travail réalisé à l'époque. Plus jeunes, il faut dire, nous faisions de même avec nos prédécesseurs; nous nous inspirions de The Jesus & Mary Chain ou du Velvet Underground, pour ne citer que ces exemples issus de deux périodes différentes. En fait, une mixture très vaste d'influences avait contribué à définir ce son shoegaze.»

Slowdive, conclut la chanteuse et guitariste, ne provient pas d'une mode éphémère, mais s'étonne encore de l'intérêt que suscite sa propre résurgence.

«Nous avons influencé des plus jeunes, l'internet a largement contribué à faire connaître notre travail. Mais... franchement, nous n'avions pas idée de notre propre notoriété lorsque nous sommes remontés sur scène il y a trois ans. Nous ne comprenons toujours pas tout à fait... haha!»

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Shoegaze rock. Slowdive. Slowdive. Dead Oceans.

À l'Olympia, ce soir, 20 h, précédé de Japanese Breakast

https://www.slowdiveofficial.com/

Image fournie par Dead Oceans