François Franky Rousseau est un illustre inconnu du jazz québécois ou canadien... et un compositeur/arrangeur illustre de la nouvelle scène du jazz new-yorkais, dont la signature pourrait fort bien déborder le cadre des initiés.

Pressenti par l'excellent Aaron Parks afin d'orchestrer ses compositions, ce musicien âgé d'à peine 27 ans présente ce soir un programme commun avec le pianiste américain, exécuté par l'Orchestre national de jazz de Montréal.

François Rousseau ne vient pas d'une famille de culture, mais bien d'une famille de sport. Son grand-père est nul autre que Bobby Rousseau, illustre hockeyeur qui a joué pour le CH dans les années 60 et qui était golfeur durant la saison estivale. Son père était aussi golfeur de haut niveau mais a choisi de faire carrière dans le milieu financier.

À l'évidence, les Rousseau troisième génération ont préféré la musique au sport : trois enfants sur quatre sont musiciens (Franky a un frère bassiste et une soeur corniste).

Installés à Sorel à l'époque où le grand-père était le professionnel du club de golf Les Dunes, les parents de Franky ont bougé: «J'ai vécu à Vancouver [White Rocks] de l'âge de 7 ans à 13 ans, nous sommes ensuite revenus à Montréal et j'ai poursuivi mes études jusqu'au cégep Vanier, en guitare jazz. Puis je suis parti à New York pour étudier à l'université The New School. Aujourd'hui, mes parents vivent à Toronto. Nous gardons un lien avec le Québec, car nous avons un chalet au lac des Piles, en Mauricie.»

Avec Aaron Parks

Résidant de New York depuis 2009, notre interviewé est plus Franky que François: son français est très correct, mais son éducation en anglais et sa vie à l'extérieur du Québec lui confèrent un léger accent.

Il a mené là-bas différents projets artistiques, dont la direction d'un grand orchestre de jeunes musiciens prêts à jouer sa musique et plus encore. Le mot s'est passé et...

«L'hiver dernier, Aaron Parks m'a contacté après avoir entendu mon travail. C'était idéal pour moi, car son album Invisible Cinema [2008] fut important pour plusieurs jeunes comme moi. Ce pianiste a joué partout, tant de grands musiciens le veulent comme sideman, et le voilà de retour en tant que leader, en trio sous étiquette ECM.»

«C'est le type idéal pour ma façon de faire, car il admet et apprécie que je ne respecte pas les normes de l'écriture pour big band.»

Ainsi, un projet commun est né: Franky Rousseau et Aaron Parks ont chacun choisi leurs compositions à exécuter au sein d'un même programme, le tout complété par un intermède de feu Kenny Wheeler.

«Nous avons voulu prendre notre temps. Nous avons déjà présenté cette musique au Japon. C'est librement fait, très collaboratif et très souple, vu nos horaires surchargés. Mais nous ne sommes pas encore prêts à enregistrer cette matière.»

Ouverture

Actuellement, Franky Rousseau ne dirige pas de formation permanente. Vu les contraintes économiques pour les formations de cette taille, il préfère s'impliquer dans des projets à plus court terme, là où il se trouve.

«Je peux monter des ensembles de différentes tailles à Toronto comme à New York ou même à Amsterdam, car j'y connais suffisamment de bons musiciens. Ça pourrait aussi se passer à Montréal, car le niveau y est remarquable. Pour gagner ma vie, je dirais que l'Europe est plus propice parce que le financement des arts a moins décliné qu'en Amérique du Nord.»

Quoi qu'il advienne, l'approche de Franky Rousseau pourrait s'imposer à grande échelle, car elle procède d'un alliage de matériaux connus et avant-gardistes. Le jeune compositeur est de cette génération ouverte à tous les genres signifiants: dans le désordre, il cite Thomas Adès, John Adams, Dirty Projectors, Kanye West, Richard Wagner, Kneebody, Aphex Twin, Tiny Hazard, Stephen Sondheim, Björk ou Gustav Mahler.

«Mon travail, précise-t-il néanmoins, est plus proche de la musique de chambre de tradition classique ou de la musique contemporaine, bien que ma culture musicale se soit construite à travers le prisme du jazz.»

Franky Rousseau reste tout de même attaché au big band, surtout en raison de l'ouverture à l'improvisation.

«Cette ouverture dicte souvent la structure de l'oeuvre. Il m'arrive régulièrement de démarrer l'écriture d'une pièce en déterminant où je veux y inscrire l'improvisation. Ces séquences peuvent mener la musique d'un point A à un point B ; dans un contexte plus "classique" que celui du jazz, l'éventail des directions inconnues est plus vaste, j'adore ça! Ceci étant dit, il se peut aussi que mon écriture exclue l'impro.»

Franky Rousseau compose pour le théâtre musical, passerait volontiers plus de temps à créer pour de petites formations, duos, solos, rêve de composer pour un orchestre symphonique, imagine des sons avec un seul ordinateur. Qui plus est, il réalise des enregistrements pour ses collègues et amis musiciens; il vient d'ailleurs de terminer quelques séances d'enregistrement avec la chanteuse montréalaise Emma Frank.

«Je crois m'inscrire dans le sillage de la musique contemporaine nord-américaine, qu'elle soit classique, jazz, chanson, théâtre musical ou électro. J'ose croire en faire quelque chose qui m'appartient.»

On ose le croire aussi!

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À l'Astral, ce soir à 20 h, dans le cadre du festival Jazz en rafale, Franky Rousseau et Aaron Parks jouent leurs oeuvres avec l'Orchestre national de jazz de Montréal, sous la direction de Rousseau.

Photo fournie par l’artiste

François Franky Rousseau et un grand ensemble de jeunes musiciens