Aventurier dans l'âme, Charles Aznavour  s'est offert pour ses 92 ans... une tournée mondiale! Après Paris, Amsterdam, Dubaï, Prague, Tokyo et New York, le grand monsieur de la chanson française sera ce soir au Théâtre du Centre Bell, avant d'aller saluer ses admirateurs de Québec, dimanche au Centre Vidéotron. Entrevue avec l'éternel voyageur aux mille et un projets.

Ne lui posez plus la question: Charles Aznavour a déjà pris sa retraite. «Je ne m'occupe plus de rien! Je viens, je chante et je m'en vais. Je suis un oiseau!», lance Aznavour en riant, confortablement assis dans la suite d'un hôtel de la rue de la Montagne.

Après son passage au Québec, le chanteur aux 92 printemps poursuivra sa route vers Miami, Los Angeles, Lisbonne et Moscou. Que dire de son programme de l'année 2017? De Tel-Aviv à Madrid, en passant par Rio de Janeiro ou Buenos Aires, comment arrive-t-il encore à tenir le rythme, d'un fuseau horaire à l'autre sans jamais se fatiguer?

«Je ne souffre jamais du décalage horaire. Je dors très bien; alors je suis capable de récupérer rapidement. C'est très important.»

«Lynda Lemay est comme moi: elle continue de vivre à l'heure du Québec même quand elle est à Paris», explique le chanteur.

Dès ses débuts, Charles Aznavour a un plaisir fou à voyager sur les scènes du monde entier. Et quand il ne chante pas, il visite encore. «Je n'ai chanté que trois chansons pour un événement de bienfaisance en Chine. J'y suis allé pour le plaisir d'aller là-bas avant toute chose! confie Aznavour. J'ai fait deux fois toute l'Afrique, y compris l'Afrique du Sud, ce qui était rare à l'époque. Le cas de Montréal est différent. J'ai vécu trois ans ici!», rassure-t-il.

Avec 94 pays à son actif, Charles Aznavour ne s'est pourtant jamais encore rendu en Turquie, qui ne reconnaît toujours pas le génocide arménien. «On a beaucoup de demandes. Je veux bien y aller en ami, mais pas que la politique s'en mêle», explique le chanteur dont la famille maternelle a été décimée pendant le génocide arménien.

Du nouveau, de l'ancien et de l'oublié

Ce soir, sur la scène du Centre Bell, Charles Aznavour promet de ravir son public avec de grands succès, quelques chansons d'Encores, son plus récent album, mais aussi quelques titres comme Qui, Voilà que tu reviens ou Les amours médicales, tirés de ce qu'il appelle affectueusement son «catalogue de l'oubli». «Les gens les connaissent. Ils ont juste oublié de s'en souvenir!», lance le chanteur qui lutte activement pour garder en vie le patrimoine de la chanson française.

«Je suis l'éditeur de Charles Trenet et de Félix Leclerc aussi. J'ai voulu acheter d'autres catalogues qu'on a refusé de me vendre. Ils ont été vendus pour l'argent seulement et aujourd'hui, ils sont morts!», déplore Aznavour qui a fait l'acquisition, en partenariat avec Gérard Davoust en 1992, des Éditions Raoul Breton dont le catalogue comprend les oeuvres d'auteurs comme Gilbert Bécaud, Édith Piaf, Serge Lama et Nana Mouskouri.

«J'espère que pour Guy Béart il va se passer quelque chose, car c'est un catalogue magnifique! Pour le patrimoine, c'est important!», ajoute-t-il.

Quarante nouveaux textes

Pas une journée ne passe sans que Charles Aznavour ne se fasse demander quand il va raccrocher son micro. Mais le chanteur se dit bien trop amoureux des mots et des gens pour oser y penser. «Les faits de société ont toujours inspiré ma manière d'écrire. Je suis sans cesse à la recherche de ce qui touche le public et lui laisse penser que je sais ce qui lui arrive. C'est un peu comme si je mettais sur disque l'histoire qui lui est arrivée», confie Aznavour qui devrait entrer prochainement en studio afin de travailler sur un album pour lequel il a déjà écrit une quarantaine de chansons.

«Universal voulait qu'on sorte un disque pour Noël, mais je ne suis pas certain que je serais prêt. Tous les textes sont prêts d'avance, mais la musique, c'est toujours au dernier moment», explique-t-il.

«Le texte est ce qui est le plus difficile. Je n'autorise jamais qu'on change un mot ou une virgule à mes textes. Je serais honteux de me dire qu'à la place d'un mot j'en aurais mis un autre! Ce n'est jamais arrivé et ça n'arrivera jamais!»

L'auteur planche également depuis un moment sur l'écriture d'un livre, sorte de réflexion sur la manière de survivre dans le monde de la musique. «C'est difficile. Il ne s'agit pas seulement d'être connu, mais reconnu. Si je descends dans la rue au Texas, on ne sait pas qui je suis. Mais quand on voit mon affiche, on le sait. La longévité est importante aussi. Les droits d'auteur doivent continuer à nourrir la famille!», dit-il.

Est-ce pour cela qu'il continue à chanter à 92 ans? «Je ne vis pas pour l'argent. Mais c'est le métier d'un père que de ramener la nourriture à sa famille. Je continue à travailler. Ce n'est pas fatigant, car j'aime ça. Quand on se fatigue à faire quelque chose, c'est qu'il faut changer de métier», conclut-il le sourire en coin.

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Ce soir, à 19 h, au Théâtre du Centre Bell; dimanche, à 19 h 30, au Centre Vidéotron de Québec.