Céline Dion est une joueuse d'équipe à l'écoute de ses proches collaborateurs, nous dit son entourage. Mais depuis le départ de son mari et imprésario René Angélil, elle a l'occasion de se révéler davantage en tant qu'artiste, comme le démontre le spectacle qu'elle présentera 17 fois au Québec à compter du 31 juillet.

Dans le programme de la tournée actuelle de Céline Dion, une série de photos de René Angélil travaillant en studio avec Céline Dion est coiffée du titre «Pygmalion». La référence au sculpteur de la mythologie grecque devenu amoureux de sa création qui prendra vie est forte, comme l'était la personnalité de René Angélil.

Angélil a été le mari et l'imprésario indissociable de la chanteuse, dont il a été le premier à prédire le succès planétaire alors qu'elle était encore une enfant. L'homme en imposait tellement qu'on avait du mal à imaginer Céline Dion sans un René Angélil tirant les ficelles pour la propulser encore plus haut au firmament des stars.

Angélil a tiré sa révérence en janvier dernier et sa chanteuse préférée n'a pas tardé à reprendre le collier.

Comme elle en avait l'habitude avec lui, Céline Dion a mis les bouchées doubles, retournant sur la scène du Colosseum de Las Vegas le mois suivant le décès de son mari et terminant un album en français tout en se lançant dans une campagne de promotion et une tournée qui, après la Belgique et la France, la ramène au Québec pour une virée de 17 spectacles qui se mettra en branle le 31 juillet au Centre Bell.

De 50/50 à 100 %

Cette tournée, voulue et planifiée par Angélil, a vu Céline Dion prendre un rôle accru dans la préparation de son spectacle. Auparavant, nous disait-elle à Paris le mois dernier, elle ne s'impliquait pas beaucoup dans le choix et l'ordre des chansons d'un spectacle. «Parce que je faisais confiance à René - et je trouve qu'il ne s'est vraiment pas trompé souvent -, je n'ai jamais senti le besoin de lui dire: "Ben voyons, tu ne peux pas faire ça". C'était vraiment une confiance aveugle.»

Elle préférerait évidemment avoir encore René Angélil à ses côtés, mais son absence lui donne l'occasion de se «révéler encore davantage en tant qu'artiste», constate-t-elle.

«On a toujours été 50/50, mais il m'a donné le dernier 50 %, alors je suis à 100 % de ce que je suis et je partage avec ma nouvelle équipe mes émotions, mes sentiments et ce que j'ai envie de faire.»

«Je ne dis pas: "C'est ça que je veux faire et c'est ça que je vais faire", nuance la chanteuse. Je n'ai jamais été comme ça, je ne suis pas devenue comme ça et je ne serai jamais comme ça.»

Tout ce qui se passe actuellement dans la carrière de Céline Dion - sa tournée et l'album Encore un soir qui va paraître le 26 août - a reçu la bénédiction de René Angélil.

«Il aimait la chanson Ordinaire et l'avait approuvée. Céline lui avait chanté la chanson de Goldman parce qu'il entendait mal. La chanson de Cabrel, il l'avait entendue aussi. Et on a fait deux séances d'écoute de l'album auxquelles René était présent», confirme son ami Aldo Giampaolo qui, encore aujourd'hui, se considère comme le co-imprésario de Céline Dion: «Pour moi, René est toujours le gérant. Il n'y aura pas d'autre gérant de Céline Dion. C'est clair.»

La décision finale

Toute l'équipe de Céline Dion s'entend là-dessus: désormais, en cas de désaccord, c'est à elle que revient la décision finale. Mais c'est progressivement qu'elle s'est affirmée, précisent ses collaborateurs de longue date Denis Savage et Yves Aucoin.

«On a vu que Céline prenait de plus en plus de place, imposait de plus en plus ses idées. Elle voulait qu'on fasse de plus en plus ce qu'elle désirait. Ça s'est fait naturellement au fil du temps, ce n'est pas arrivé depuis que René n'est plus là», dit Savage, directeur de tournée et ingénieur du son.

«Céline s'est affirmée vraiment à travers le show A New Day [donné à Las Vegas de 2003 à 2007], renchérit Aucoin, concepteur des éclairages et vidéos. On avait du temps, on faisait beaucoup de spectacles et on a redirigé un peu la vision artistique du show. Elle s'est épanouie là-dedans. Dans la tournée suivante [Taking Chances], elle a dit ce qu'elle voulait et nous avons servi d'équipe de traducteurs. Céline voit beaucoup en cinémascope, en close-up, ce qui n'est pas la réalité de 20 000 personnes. Donc, il faut traduire ça. On utilise beaucoup d'images de référence qu'elle a trouvées: des looks de mode, des trucs qu'elle a vus sur YouTube. Parfois, ça n'a rien à voir avec le show-business: ça peut être de l'architecture, une sculpture ou quelque chose qu'elle trouve beau. Ça amène des idées et on échange. Mais la direction artistique, c'est vraiment tout autour de Céline.»

Un rôle de guide

Aldo Giampaolo se considère plutôt comme le guide de la chanteuse, lui qui a appris de ses années au Cirque du Soleil l'utilité d'une table de création.

«Moi, j'amène les gens à la table. On avance, mais, s'il y a une impasse, quelqu'un doit prendre une décision. Ultimement, je vais pousser dans un sens, mais c'est elle qui doit dire oui ou non. C'est sa carrière.»

«Céline est artistiquement forte. Il faut exploiter cette force-là et la protéger par bouts. C'est mon rôle et c'est ce que faisait René. Mais René était son mari, c'est une grosse différence.»

C'est Aldo Giampaolo qui a rappelé à toute l'équipe qu'il fallait que le grand succès Because You Loved Me soit dans le spectacle, raconte Aucoin: «Il ramène le monde et il n'échappe pas ces affaires-là, comme René le faisait de toute façon.»

En 2011, Céline Dion ne voulait plus chanter My Heart Will Go On en rappel, mais elle avait fini par céder aux arguments de René Angélil. Cette fois, c'est elle-même qui, dans une des premières réunions avec son équipe, a dit qu'il fallait faire The Power of Love, une autre de ses incontournables, raconte Denis Savage.

«Tout à coup, on aurait dit qu'après s'être battue contre René toutes ces années pour ne pas chanter ces chansons-là, René n'étant plus là, elle comprenait qu'elle ne pouvait pas faire ça. Comme si elle se rendait compte qu'elle avait beau s'obstiner, il lui fallait quand même être réaliste et faire ces chansons.»

Photo Catherine Gugelmann, collaboration spéciale

Céline Dion lors d'une répétition pour son concert à Paris, à la fin du mois de juin