John Fogerty a mené une bien drôle de carrière. En cinq années bien remplies, de 1968 à 1972, il a pondu pour Creedence Clearwater Revival des chansons qui ont leur place au panthéon du rock. Ces immortelles, il les a longtemps boudées en raison d'un conflit avec le propriétaire de la maison de disques de l'époque et ses anciens compagnons de groupe - dont son frère Tom - qui, affirmait-il, s'étaient ligués contre lui.

La mort de Tom Fogerty en 1990 n'a rien arrangé. John a refusé de chanter avec le bassiste Stu Cook et le batteur Doug Clifford quand CCR a été intronisé au Rock and Roll Hall of Fame en 1993 et les choses se sont envenimées encore un peu plus quand Cook et Clifford ont monté un groupe de tournée baptisé Creedence Clearwater Revisited.

Fogerty ne l'a pas digéré, lui qui a toujours été l'âme de CCR, son auteur-compositeur, chanteur et guitariste. Mais quand il s'est pointé à Montréal pour la toute première fois de sa carrière, à Wilfrid-Pelletier en juillet 2007, personne ne s'est plaint de l'absence des autres ex-CCR. Au contraire, on allait enfin voir et entendre l'icône du rock en pleine possession de ses moyens, qui, heureusement, s'était réconciliée depuis avec son patrimoine.

Fogerty est revenu nous voir en 2009 et en 2014 au Centre Bell où il chantera encore mardi soir ses succès, dont plusieurs ont vu le jour dans trois albums lancés en 1969: Bayou Country, Green River et Willy & the Poor Boys.

Le John Fogerty de 2016 a décidé de ne plus se laisser ronger par l'amertume. Il va même jusqu'à laisser entendre que le conflit «absurde» qui l'oppose depuis longtemps à ses anciens copains de CCR va finir par se régler.

«J'aime jouer de la musique et je suis conscient que je suis très chanceux de pouvoir chanter mes chansons à des gens qui apprécient encore Proud Mary et Green River, dit au téléphone cet artiste fort sympathique. Je préfère me concentrer sur ce qu'il y a de positif dans la musique.»

Pour Hillary

Sur le plan politique, John Fogerty se décrit comme un progressiste. En 2004, il s'est joint aux Bruce Springsteen, R.E.M., James Taylor, Pearl Jam et autres Dixie Chicks dans la tournée Vote For Change qui visait à convaincre les jeunes de ne pas réélire George W. Bush.

«C'est très intéressant, actuellement, ce qui se passe aux États-Unis. Si je pouvais voter pour Bernie Sanders, je le ferais, mais, bon, je vais appuyer la personne qui est le plus en accord avec mes convictions: Hillary Clinton, évidemment.»

Il constate comme tout le monde un ras-le-bol des Américains face à la vieille politique qui profite actuellement à Donald Trump.

«Donald dit des choses qui emballent certaines personnes, mais il en dit d'autres qui, s'il les mettait en pratique, seraient pas mal effrayantes. Peut-être que ceux qui sont écoeurés de la vieille manière de faire de la politique ne lui en tiennent pas rigueur ou qu'ils n'entendent tout simplement pas certaines des choses qu'il dit.»

Avec fiston

Le groupe actuel de John Fogerty comprend notamment le dynamique batteur Kenny Aronoff, qui a longtemps accompagné John Mellencamp, et le bassiste James LoMenzo qui a déjà fait partie de Megadeth. Fogerty échange également les solos de guitare avec son fils Shane qui, quand il n'est pas en tournée avec son paternel, joue avec son frère Tyler dans le groupe Hearty Har.

Oui, reconnaît John Fogerty, ses fils tiennent de lui:  Vous allez le constater en voyant Shane en spectacle. Par contre, on peut enseigner certains trucs, mais il y en a d'autres qui ne s'apprennent pas. Tu l'as ou tu ne l'as pas.»

Fogerty avoue candidement que ce sont ses enfants qui l'ont initié à bon nombre d'artistes qu'il écoute aujourd'hui. Shane et Tyler lui ont fait découvrir Edward Sharpe and the Magnetic Zeros, Vetiver, Fleet Foxes et Tame Impala. Et à cause de sa fille Kelsey, 14 ans, il se surprend à apprécier de la musique pop à laquelle il ne s'intéressait pas nécessairement: Taylor Swift, Ed Sheeran, Selena Gomez...

«Je n'étais vraiment pas du genre à aimer Justin Bieber, ajoute-t-il. Il faut dire que c'était une cible facile: on s'intéressait plus à ses frasques qu'à sa musique. Mais, croyez-le ou non, l'an dernier, j'ai entendu une super bonne chanson écrite avec Ed Sheeran, Love Yourself, et j'ai été étonné d'apprendre que c'était du Justin Bieber. J'ai moi aussi ce qu'on appelle des plaisirs coupables, le genre de choses qui incitent tes amis à se moquer de toi, mais ça ne me dérange pas si j'y entends quelque chose qui me plaît. Toutefois, mon truc à moi, c'est plus le blues et le rockabilly.»

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Au Centre Bell ce soir, 20 h.