La scène se répète chaque fois que Céline Dion s'arrête à Paris. Des centaines de fans se massent pendant des heures devant l'hôtel où elle loge, en l'occurrence le chic Royal Monceau, dans l'espoir d'apercevoir la chanteuse et, avec un peu de chance, de la photographier, de lui soutirer une dédicace ou de lui parler quelques instants.

Samedi après-midi, la star québécoise a dû passer au moins 15 minutes à échanger avec ses fans de tous les âges qui faisaient le piquet depuis la matinée. Quand elle a finalement pris place dans la voiture où nous l'attendions avec son imprésario Aldo Giampaolo, elle a aussitôt demandé au chauffeur d'ouvrir le toit et, juchée sur ses talons hauts, elle a continué à serrer des mains, à signer des bouts de papier et à accepter des dessins des fans pendant des minutes qui ont semblé bien longues à son entourage.

Puis la voiture qui devait l'amener à l'AccorHotels Arena, où elle allait donner le deuxième de ses neuf spectacles à guichets fermés, s'est finalement engagée dans l'avenue Hoche, et l'interview a pu commencer.

La veille, l'amour et la dévotion de son public parisien lui avaient fait le plus grand bien.

«C'était un des souhaits de René qui a commencé à préparer cette tournée-là. Et c'était la première fois hier que je venais faire un show à Paris sans lui [il était traité pour un premier cancer aux États-Unis quand elle a chanté au Stade de France en 1999, mais il était avec elle en duplex]. Alors c'est sûr que tout ça était rempli d'émotion. Même moi, je n'ai plus de mots, tout a été dit.»

La Célinemania parisienne s'est manifestée une autre fois samedi soir, mais cette fois quand les spectateurs ont entonné en choeur Seven Nation Army, des White Stripes, devenue depuis longtemps un chant de ralliement sportif, la chanteuse s'est aussitôt mise à improviser accompagnée de ses musiciens. Ce moment de joyeuse folie s'est répété plus tard dans la soirée après l'énergique Dans un autre monde.

«Je sais que René serait tellement heureux de voir ça, nous disait-elle quelques heures plus tôt. On dirait que tout se passe toujours avec lui quand même.»

«Quand j'ai une question, un doute ou que je dois prendre une décision, bien sûr que je demande à Aldo et à toute l'équipe, mais je le demande aussi à René dans mon for intérieur. Est-ce qu'il ferait ça, qu'il aimerait ça? Est-ce que c'est trop?»

Justement, René Angélil aurait-il sourcillé s'il avait vu sa chanteuse préférée inclure dans son programme un nombre inhabituel de chansons moins connues de son répertoire?

«Comme je dis au public: ‟Je vais chanter les chansons que vous aimez, mais je vais me faire plaisir aussi." René aurait probablement critiqué quelques-unes des chansons que j'ai choisies, alors je me suis tournée vers Aldo et il m'a donné son accord. Il s'est arrangé avec René plus tard», ajoute-t-elle en pouffant de rire.

Pas de personnages

C'était également son idée de ne porter qu'un seul et unique costume pendant toute la durée du spectacle pour ne pas avoir à se changer et être toujours en présence des spectateurs. Elle a finalement trouvé dans un magazine un costume de scène qui convenait aussi bien à la rockeuse qu'à la chanteuse de ballades. Elle en a commandé trois.

«Ce n'est pas de la haute couture, mais je n'avais pas envie de jouer des personnages avec des costumes différents, explique-t-elle. Pourtant, je suis dans la capitale de la mode, pensez-vous que ça ne me tentait pas de me changer 22 fois pendant le show? Mais, émotionnellement, ce n'était pas le temps. Je suis ici pour une autre raison, essentielle: passer du temps avec eux.»

Après avoir fait le deuil de son mari qu'elle a vu mourir à petit feu, Céline Dion redécouvre le plaisir véritable de la scène: «Son départ, pour moi, c'était une délivrance de sa souffrance à lui. Alors quand je m'éclate sur la scène, je sais comment René aimait ça. Il aimait ça plus que moi.» 

«Quand je chante, que je vis le moment présent et que les gens répondent, je ne comprends pas pourquoi, mais je me sens plus en contrôle. C'est comme un soulagement.»

Jamais, dit-elle, l'idée de ne plus refaire ce métier ne lui a effleuré l'esprit.

«J'ai le feu sacré du show-business encore plus fort maintenant qu'avant et je suis portée par les fans qui sont super réceptifs. La relation que j'ai avec eux, c'est au-delà de la musique. Les chansons, j'aime encore ça, c'est mon moyen d'expression. C'est sûr que si j'avais encore le gros motton dans la gorge, je ne me rendrais pas malade. Au contraire, c'est comme si ça m'aidait à passer à travers un moment difficile qui est en train de se transformer en quelque chose d'incroyablement positif. C'est comme une communion: je les sens, je les entends, je leur réponds, on chante ensemble, on se permet des choses.

«Je suis un peu libérée, ajoute-t-elle. René m'a vraiment donné sa bénédiction: ‟Céline, je t'ai tout donné, tu sais quoi faire. Fais-toi confiance." C'est d'ailleurs ce que je lui ai dit quand il est décédé: ‟René, fais-moi confiance, pars en paix. Les enfants vont bien. Tout va être correct."»

photo Catherine Gugelmann, agence france-presse

Les neuf concerts de Céline Dion à l’AccorHotels Arena sont à guichets fermés : tous les soirs, ce sont 16 000 fans qui applaudissent la star.