Le livre-témoignage Buena Vida, dans lequel Florence K racontait sans détour sa descente aux enfers, a eu un tel impact à sa parution l'automne dernier qu'on lui a proposé de monter un spectacle qui s'en inspirerait. La jeune femme a accepté de relever le défi, mais elle était loin de se douter d'où la mènerait cette nouvelle aventure artistique. Rencontre.

Jeudi dernier, à Gatineau, Florence K a bouclé la première partie de son nouveau spectacle en reprenant dans la pénombre All Apologies - la troublante chanson de Kurt Cobain, chanteur torturé du groupe Nirvana -, avec pour unique accompagnement la guitare d'Yves Desrosiers. Un moment très intense à la théâtralité accentuée par la sortie de scène de la chanteuse dont la voix s'éteignait progressivement à mesure qu'elle retraitait vers les coulisses.

Le surlendemain, à Québec, All Apologies était proposée en tout début de spectacle en lieu et place d'un « medley du passé » à saveur latine qui allait se retrouver au rappel. « C'est le fun de commencer avec All Apologies ; ça casse tellement avec tout ce que j'ai fait auparavant », nous a expliqué la jeune femme, rencontrée lundi à Montréal.

Voilà le genre de liberté que se permet Florence K dans ce spectacle qui constituera sans doute un tournant dans sa carrière.

En effet, pour la première fois - exception faite de son tout premier album enregistré devant public au Lion d'Or -, elle propose parmi les 20 chansons au programme une quinzaine d'inédites qui se retrouveront sur un album studio à paraître à l'automne.

De nouvelles chansons qui se démarquent de son répertoire parce qu'elle les chante presque toutes en français et qu'elles ne baignent pas systématiquement dans les rythmes latins auxquels Florence K nous a habitués.

DANS LA FOULÉE DU LIVRE

Quand son équipe lui a proposé de monter un spectacle dans la foulée du succès de son livre Buena Vida, Florence K a tout de suite accepté. « J'aime les défis », dit-elle spontanément. Mais la musicienne ne savait pas du tout où la mènerait cette nouvelle aventure qui va se poursuivre jusqu'en 2017.

Elle savait toutefois qu'elle ne voulait pas « étirer la sauce ». Le communiqué annonçant le spectacle Buena Vida en novembre 2015 parlait de transposer sur scène « l'expérience humaine et littéraire » qu'elle venait de vivre, mais il n'était pas question pour la chanteuse d'un spectacle-conférence au cours duquel elle échangerait avec son public sur le thème de la dépression, des tentatives de suicide et de l'internement dans l'aile psychiatrique d'un hôpital.

« Dans ma vie, je suis complètement ailleurs de ces événements-là, ça fait cinq ans », dit-elle de la descente aux enfers qu'elle a si bien racontée dans son livre. N'empêche, l'accueil réservé à Buena Vida lui a fait prendre conscience que les gens avaient besoin d'entendre parler de vulnérabilité, un sujet qui a trop longtemps été tabou. Mais ce qu'elle avait à dire, Florence K le dirait dans ses chansons.

« Tout ce que j'ai vécu, c'est un terrain de jeu pour un créateur, reconnaît-elle. C'est horrible, c'est trash, mais c'est super inspirant. Je l'ai revécu en écrivant le livre et en faisant sa promotion, mais je ne voulais pas le revivre encore pendant un an de tournée. »

« Je suis contente parce que ces chansons-là, on peut les prendre complètement hors de ce contexte et elles fonctionnent. »

- Florence K

Elle dit vrai. À Gatineau, le public a écouté avec attention ces nouvelles chansons sans réclamer les succès de la chanteuse. À cause sans doute du ton intimiste de ce concert à deux, mais aussi parce qu'en chantant en français et en soignant son articulation comme le lui avait conseillé sa mère - la soprano Nathalie Choquette -, Florence K a touché les spectateurs plus directement qu'elle ne l'avait fait par le passé.

Plutôt que d'appuyer sur le propos sombre de certaines chansons et de multiplier les interventions en ce sens, elle a donné avec Yves Desrosiers un spectacle qui célébrait justement la buena vida.

UN TRAVAIL D'ÉQUIPE

Florence K a commencé à coucher sur papier de nouvelles chansons pour ce spectacle à la mi-janvier. Un mois plus tard, elle a senti le besoin d'avoir une perspective extérieure sur ses textes. Elle a trouvé en Gaële la collaboratrice idéale qui l'a aidée à les resserrer, quitte à parfois tout jeter pour ne garder qu'un titre, comme elles l'ont fait pour la chanson De profil.

« J'avais beaucoup entendu parler du travail de Gaële avec d'autres artistes et je trouvais qu'elle avait une facilité incroyable à cerner comment les gens se sentaient, raconte Florence K. Elle avait lu mon bouquin et on l'a divisé en une douzaine d'étapes correspondant aux émotions importantes plutôt qu'aux événements. »

« Je me disais que maintenant que j'avais écrit un livre, je pouvais écrire des chansons en français. Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas le même langage. »

- Florence K

En parallèle, Florence K travaillait avec la femme de théâtre Marie Brassard qui allait créer les tableaux de son spectacle en collaboration avec l'artiste visuelle Sonoyo Nishikawa.

« Au début, je pensais que j'allais peut-être réciter des bouts du livre, mais, dès que j'ai commencé à écrire les chansons, on a décidé avec Marie Brassard qu'on n'irait pas dans cette direction-là. Ce sont les chansons qui parlent. Marie nous ramenait parfois à l'ordre, Gaële et moi : "O. K., les filles, ça, c'est un peu too much" ou encore "j'aime ça, allez plus loin là-dedans". Elle nous aiguillait. »

Tout au long de ce processus, Florence K échangeait des fichiers musicaux avec le guitariste et arrangeur Yves Desrosiers, dont elle avait admiré le travail dans le spectacle de théâtre musical consacré à Édith Piaf, auquel elle a participé.

Dans son spectacle actuel, elle reprend d'ailleurs Mon dieu de Piaf qui, nous a-t-elle déjà dit, l'a réconciliée avec la chanteuse en elle. Et, en guise d'ultime rappel, elle se fait plaisir en chantant l'irrésistible Que nadie sepa mi sufrir que Piaf a popularisée en français sous le titre de La foule.

Ce très beau spectacle, Florence K et Yves Desrosiers le donneront au Théâtre du Nouveau Monde le 9 juillet dans le cadre du Festival international de jazz de Montréal et, en supplémentaire, au Gesù le 17 novembre. 

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