À Buenos Aires, Benjamin Biolay a enregistré la matière d'une paire d'albums dont voici le premier tome, décliné en 14 chansons: Palermo Hollywood. Le titre évoque un secteur culturel très dynamique de Palermo, l'un des quartiers les plus célèbres et les plus attrayants de la métropole argentine.

Quatre ans après avoir réalisé son dernier projet solo, le chanteur français n'a pas choisi au hasard cette immersion en studio avec des musiciens haut cotés en Amérique latine - le bandonéoniste Martín Ferres (Bajofondo, Mercedes Sosa), le batteur Fernando Samalea (Charly Garcia, Gustavo Cerati, Calle 13), Damian Verdun au charango et l'orchestre du Teatro Colón de Buenos Aires.

«J'ai chanté souvent en Argentine, comme au Chili, au Mexique et autres pays d'Amérique latine. Tout ça avait démarré en Espagne pour ensuite s'étendre là-bas... D'ailleurs, je ne suis pas le seul chanteur francophone à avoir du succès auprès de l'auditoire hispanophone. C'est loin d'être une garantie, mais j'ai la chance de faire partie de ceux qui y sont appréciés, pour des raisons qui concernent ce public», explique Biolay, joint en France peu avant la sortie officielle de Palermo Hollywood.

Inspiration latine, arômes européens

Cet opus d'inspiration latine, fait observer son concepteur, exhale des arômes européens. Pourquoi donc?

«Parce que Buenos Aires a des racines italiennes, espagnoles, françaises et plus encore. La musique argentine, c'est bien sûr le tango, mais aussi le cuarteto, la cumbia, el rock nacional et aussi d'autres styles. Ces musiques sont souvent originaires d'une ville européenne, d'un pays européen ou encore d'un croisement entre communautés européennes venues en Argentine. Le cuarteto, par exemple, est mi-italien mi-espagnol; c'est la musique de bal par excellence.»

Pour mieux comprendre Palermo Hollywood, on demande à son concepteur de fournir des exemples précis de musiques locales sur lesquelles il a couché ses rimes élégantes et ses mélodies sensuellement barytonées.

«La débandade est une sorte de tango, mais je suis très vite sorti du rythme originel afin de ne pas sacrifier mon texte et ma mélodie. Après quoi j'ai remis les éléments essentiels, c'est-à-dire les cordes et le bandonéon, et aussi un refrain à la Burt Bacharach.»

«Ressources humaines comporte un vrai cuarteto, un truc très binaire avec une dose de paso doble.»

«Pas d'ici est rock, mais ce rock est joué façon argentine: el rock nacional fut incarné notamment par Soda Stereo, un groupe énorme qui remplissait des stades.»

«Palermo Soho et Palermo Queens sont des cumbias typiques, le projet étant de les faire en français. C'était marrant pour les musiciens. Ça peut ressembler à ce que fait Manu Chao? Oui, ce qu'il fait est très bon, d'ailleurs! Vous savez, lorsqu'on fait de la cumbia avec de la guitare électrique, on se rapproche toujours un peu de Manu Chao. Mais c'est quand même différent: c'est chanté en français et... c'est moi.»

«Pas sommeil est un peu soul mais très française dans sa construction harmonique, le tout assorti d'un échantillon de la voix du grand poète Jorge Luis Borges - qui fut d'ailleurs enregistrée dans les Estudios Ion mêmes où nous avons travaillé.»

«Ballade française est effectivement très française, dans ses harmonies comme dans ses arrangements. Oui, j'aime cette tradition comme un peintre qui fait parfois dans le néo-classicisme.»

En terrain de connaissance

Hispanophones ou francophones, les voix complémentaires de Palermo Hollywood font le contrepoint avec la sienne. Biolay nous les présente avec plaisir: 

«Alika est une grande star du reggae, du reggaeton et du rap, une artiste dont j'étais fan et que j'ai eu la chance d'avoir sur mon album. Sofia Wilhemi est une actrice et metteure en scène de théâtre, une artiste extraordinaire que j'ai connue en tournant un film là-bas; elle m'a aidé à compléter les textes de deux chansons.»

D'autres proches ont aussi collaboré à l'écriture, indique le principal intéressé: «Chiara Mastroianni est actrice, chanteuse, c'est bien sûr la mère de ma fille, c'est ma famille, une personne que j'aime. Melvil Poupaud fait aussi partie de mes proches; j'avais envie de reconstituer les beaux couples qu'il forme avec Chiara au cinéma. Quant à Paula Bisiau, elle est une très bonne amie franco-argentine que j'ai connue là-bas.»

Enfin, le doué Pablo Salzman a prêté main-forte à Biolay pour les arrangements de cordes. «Il est peu connu, mais je crois qu'il va le devenir, car il est très talentueux. Je lui jouais et lui chantais sommairement mes idées, il notait et écrivait en mieux ce que j'avais imaginé, on se faisait ensuite un jeu de ping-pong pour arrangeurs. Très bien!»

Le fait de ne pas avoir enregistré en solo depuis quatre ans, raconte Biolay avant de dire au revoir, résulte d'un tourbillon de projets qu'il a faits pour d'autres, à commencer par l'album Love Songs de Vanessa Paradis.

«À un moment donné, confie-t-il, ça a commencé à me manquer terriblement et je me suis barré en Argentine. Au finish, je suis fier d'avoir fait l'album que j'avais en tête... Et sa deuxième partie sortira dans six mois, question de laisser les gens absorber le tout. L'automne prochain, je partirai en tournée avec tout ce matériel, le groupe sera franco-argentin. Je souhaite beaucoup de monde sur scène : cordes, cuivres, percussions, guitares, claviers... car ça remue là-bas! Je ne sais pas ce que ça donnera... Les musiciens vont créer des choses... c'est toute la magie du truc.»

À l'évidence, Benjamin n'a rien perdu de sa superbe...

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CHANSON. Palermo Hollywood. Benjamin Biolay. Universal Music France.

IMAGE FOURNIE PAR UNIVERSAL MUSIC FRANCE

Palermo Hollywood, de Benjamin Biolay