Près de quatre ans après la sortie de Fox, qui en a fait une vedette, Karim Ouellet refait surface avec un troisième album, Trente. Conversation à bâtons rompus avec un jeune trentenaire très actif doublé d'un artiste exigeant.

Cinq facettes de Karim Ouellet

LA COMÈTE

Le succès de son deuxième album, Fox, qui s'est propagé jusqu'en France, Karim Ouellet ne s'y attendait pas du tout. Il n'a pas pour autant senti la pression de pondre une chanson locomotive comme L'amour pour son nouvel album, Trente.

«Je ne pense pas retrouver un hit comme celui-là parce que je n'ai plus la fraîcheur que j'avais à ce moment-là où personne ne me connaissait, dit-il. Mais comme je n'avais aucune idée du succès de L'amour, peut-être que je me trompe encore...»

L'amour, qu'il a faite «100 000 fois en show», aura d'ailleurs de nouveaux atours quand il la chantera au Métropolis dans le cadre des prochaines FrancoFolies. «J'ai trouvé quelques remix de L'amour sur l'internet et il y en a un en particulier, du DJ montréalais Toast Dawg, que je trouve excellent. J'ai le goût de prendre sa version pour la faire en spectacle.»

LE PERFECTIONNISTE

Trente a mis du temps à venir au monde. D'abord prévu pour l'automne 2015, c'est finalement ces jours-ci qu'il paraît enfin.

«Je réécoutais tout ce que j'avais fait et je me disais que si j'achetais cet album-là, je ne serais pas content, explique Karim. Il y avait deux ou trois chansons que je n'aimais pas, que je ne détestais pas non plus, mais qui ne me faisaient rien. Je les ai mises de côté.»

Comme Le bon moment, qu'il a pourtant chantée le mois dernier avec les orchestres symphoniques de Québec et de Laval: «C'est un show qui s'organise six mois à l'avance, mes partitions étaient déjà prêtes donc on l'a faite quand même.»

Quand il a commencé à composer en fonction de ce nouvel album il y a un an et demi, ça ne sortait pas, se souvient-il: «J'avais l'impression de refaire toujours la même chose et j'étais vraiment mal dans mon processus de création.»

Plutôt que de faire une pause, il a accepté d'autres projets qu'on lui proposait. «Puis, un jour, ça a débloqué, j'ai commencé à écrire des chansons que j'aimais. C'est bizarre, je ne sais pas exactement ce qui a fait que la porte s'est rouverte et que j'ai réussi à écrire.»

L'AUTEUR TRISTOUNET

La plupart des textes de Karim Ouellet ne sont pas particulièrement rigolos, mais la pilule passe mieux sur ses musiques souvent réjouissantes. Les trois dernières chansons de Trente - La course, Coeur de pierre et Les roses - donnent même le goût de danser.

«J'aime beaucoup la musique qui peut faire bouger un peu, dit-il. En composant chaque chanson de cet album-là, je pensais au spectacle et je m'imaginais en train de les chanter sur scène.»

Les roses, notamment, parle de bateau et de larmes qui coulent et d'une nuit de tous les dangers, mais sur une musique disco.

«J'écris pas mal des chansons tristounettes - je me vois mal écrire des tounes joyeuses - et musicalement, j'aime bien le contrepoint que donne un texte plus triste sur une musique entraînante. On m'entendrait réciter ce texte-là et on n'aurait pas le sourire aux lèvres, mais c'est justement le rôle de la musique d'enrober tout ça pour que ça reste le fun à écouter. J'aime les films tristes, les bouquins tristes, les chansons tristes, mais j'aime quand on met un petit peu de beurre d'arachides par-dessus pour que ça passe bien.»

LE BLAGUEUR

Les fans de Louis-Jean Cormier reconnaîtront dans une phrase de la chanson Prélude de Karim Ouellet («J'commence par me prendre la tête») une étrange ressemblance avec le début de sa chanson Si tu reviens. Ce n'est pas un accident.

«C'est un gros clin d'oeil, c'est la même mélodie, reconnaît Karim. Cette chanson-là, je l'ai tellement aimée que j'ai voulu lui rendre un petit hommage. Sur Fox, il y avait une chanson intitulée Cyclone qui ressemblait à une pièce de Karkwa. Je ne m'en étais pas rendu compte jusqu'à ce que Louis-Jean me remercie pour ce clin d'oeil à Karkwa. J'étais content que ça ne le dérange pas, donc je me suis dit que j'allais lui refaire le coup.»

L'AMI DES BÊTES

Après l'oiseau de son premier album, Plume, et le renard de Fox, Karim Ouellet enfile un autre corps de bête sur le dessin de la pochette de Trente et dans le vidéoclip de la chanson Karim et le loup. Ce costume et ces dessins lui ont été inspirés par l'album pour enfants Where the Wild Things Are de Maurice Sendak, qui a été porté à l'écran par Spike Jonze.

Voilà maintenant que notre homme se propose de porter ledit costume dans son prochain spectacle. Y aurait-il en lui un peu du Peter Gabriel de l'époque Genesis?

«Je vais certainement mettre ce costume pour une ou deux chansons, probablement au rappel, précise-t-il. Je vais beaucoup surfer sur cette image, mais je ne peux quand même pas faire un spectacle complet là-dedans. J'aurais trop chaud.»

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Au Métropolis le 17 juin, dans le cadre des FrancoFolies.

CHANSON POP. Karim Ouellet. Trente. Coyote Records.

De la maquette à la chanson

On s'imagine souvent qu'entre la première maquette et la version définitive d'une chanson, un artiste ajoute systématiquement des couches musicales. La chanson Oh! non de Karim Ouellet prouve qu'on peut parfois partir d'une maquette pour élaguer, resserrer et dynamiser une chanson.

Karim Ouellet avait enregistré la maquette qu'on peut entendre ici seul chez lui avant de la retravailler avec son complice Claude Bégin.

«J'étais très content et je n'avais pas grand-chose à changer, dit-il. Mais quand j'ai fait entendre cette maquette-là à Claude, il s'est levé pour l'écouter les yeux fermés et il s'est mis à bouger un peu. Puis il m'a dit: "J'adore ça. J'ai le goût de danser, mais je ne peux pas parce que ça manque un peu de rythme."

«On a donc essayé de l'accélérer un peu pour voir ce que ça donnerait. On a tout réenregistré - les guitares, la batterie - et on a enlevé quelques arrangements de violons que j'avais échantillonnés à partir des tounes de La liste de Schindler, mais on n'a pas le droit de faire ça. Et puis j'ai réécrit quelques phrases pour que ça ait un petit peu plus de sens.»

Karim Ouellet ne regrette pas d'avoir transformé cette maquette qu'il aimait bien.

«Non, je suis content, mais, après l'avoir écoutée [la version de l'album], j'avoue que je n'aurais peut-être pas mis du beat dès le début parce que j'aime bien l'ambiance de cette chanson quand ça commence tranquille.

- Tu pourrais donc en faire une troisième version?

-On ne sait jamais. L'album va sortir en France plus tard, donc ça me laisse le temps de retravailler des petites affaires si jamais... On verra.»