«Quand je vais dans les radios, aux States, et que je chante The Dance de Garth Brooks en français, le monde capote...»

Sylvain Robitaille a commencé à chanter du Garth Brooks, son idole, au camping des Deux-Rivières, à Saint-Gédéon-de-Beauce. Comme il chantait aussi - ses compositions à lui - pour sa famille dans les occasions spéciales: le baptême de sa fille, un anniversaire de mariage, etc. Et le monde disait toujours: «Ayoye!»

Un jour de fête, sa blonde a «passé le chapeau» pour lui offrir un cadeau qui allait changer sa vie: une séance d'enregistrement dans un studio montréalais. Fin 2012, le Beauceron est arrivé au studio Show Média de la rue Parthenais et s'est présenté au directeur musical du jour, Michel Francoeur, que l'on connaît entre autres comme guitariste de Bobby Bazini.

Entouré de pros, Robitaille a enregistré ce matin-là une version bien tournée de sa pièce I'll be there (Rockin'n'rollin). Francoeur, un Gaspésien à l'oreille bien percée, a dit: «Wow, man! Tu devrais aller à Nashville!»

Nashville, engagement total

Dans un premier temps, c'est Nashville qui est venue à lui... «J'ai mis la toune sur YouTube [elle y est toujours] et un producteur m'a contacté», nous a raconté Robby Johnson - Robby pour Robitaille... -, de passage à Montréal la semaine dernière pour présenter Don't Look Back, son deuxième CD. On a manqué le premier?

«Je l'ai fait avec un producteur connu, entouré d'une bonne équipe et tout. Tout le monde était convaincu que j'allais obtenir un contrat d'une multinationale, mais ce n'est pas arrivé.»

Ce qui est arrivé, toutefois, est que la chanson South of Me a atteint le top 20 country aux États-Unis et que Robby Johnson a été invité chez David Letterman. Et il est resté à Nashville avec sa famille... Lesté par le doute mais fort de l'appui moral et financier de proches qui croyaient en lui.

«Faire carrière à Nashville demande un engagement total, dira l'ancien vendeur de produits industriels. Si tu veux que le milieu t'accepte, tu ne peux pas aller là deux ou trois jours par mois...»

Son album à lui

Et ce milieu-là a sa culture et ses règles bien établies. Robby Johnson a écrit cinq chansons pour Don't Look Back, mais des crédits se sont ajoutés à quatre d'entre elles. C'est la façon de faire dans l'industrie du country dont Nashville est la capitale. «Les gens travaillent en duos et en trios. Les affaires solos sont plutôt mal vues...»

L'album, une production impeccable, a été réalisé par le Louisianais James Stroud, ancien batteur du Marshall Tucker Band devenu un monument à Nashville. «Pour le premier disque, je faisais ce qu'on me disait», se rappelle Robby Johnson, qu'une enfance démunie a poussé à la débrouillardise et à la créativité.

«Pour Don't Look Back, James Stroud m'a consulté tout le long. Il me disait tout le temps: «C'est toi, l'artiste.» Je donnais mon opinion sur le rythme ou sur l'instrumentation. Sur False Alarme, j'entendais du banjo: je lui ai chanté la partition et il a mis du banjo», dit Robby Johnson.

Malgré la qualité des musiciens de studio qu'on entend sur ce disque - la partie la plus flamboyante de ce Nashville «industriel» -, James Stroud trouvait qu'il manquait quelque chose à la guitare dans I Ain't The Guy, raconte Pier-Anne Lachance, la conjointe de «Robby». Stroud a donc appelé son ami Vince... Et Vince Gill - 25 millions de disques vendus, 20 prix Grammy, 18 Country Music Awards - a rehaussé la pièce de sa touche unique. Nashville...

Sam Hunt, lauréat du trophée du meilleur nouvel artiste aux plus récents American Music Awards, apparaît aux crédits de Shady, robuste crescendo porté par la formidable guitare de Brent Mason qui doit avoir une bien grosse maison pour mettre tous ses trophées du meilleur guitariste. Kiss me two times/Drive me crazy...

Country nouveau genre

Robby Johnson fait-il dans ce qu'on appelle le New Country? «La musique country a évolué, s'est ouverte à d'autres genres, à des formes hybrides. La nouvelle génération chante des histoires country traditionnelles sur des rythmes rock ou pop.» En arrière des «Hee-haw!», écoutez la basse et la guitare de 1,2,3,4 et attachez votre chapeau de cowboy...

Le deuxième CD de Robby Johnson, le «French Canadian» de Nashville qui fait très James Dean sur la pochette, ne sort aux États-Unis qu'en janvier. Ici, toutefois, il est déjà en vente dans tous les magasins Archambault. «Pour remercier les Québécois qui m'appuient depuis le début...»

Sylvain Robitaille l'a eue dure quand il était jeune. Robby Johnson s'en souvient, conscient qu'il faut parfois écrire soi-même des pages du conte de fées: «Si les étoiles ne s'alignent pas, c'est toi qui dois les aligner...»

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COUNTRY. Robby Johnson. Don't Look back. Contrast Music Records. Sortie numérique le 12 janvier.