Rencontrés la semaine dernière, quatre des six membres de Dead Obies sortaient d'une énième répétition en vue de trois spectacles que le groupe donnera au Centre Phi, de mercredi à vendredi.

Y sera enregistré le deuxième album du groupe, dont la sortie est prévue en mars prochain, et y seront tournés des clips et des courts métrages documentaires. La musique et le visuel s'articulent tous les deux autour de la notion de spectacle et de la confusion entre le vrai et le faux.

«Ce n'est pas un album live, mais un album studio qu'on fait en spectacle et qu'on échantillonne, explique Yes Mccan. Le concept tourne autour de la notion de spectacle. Cela venait à point dans plein de facettes, notamment l'économie de la musique. Aujourd'hui, la main business est de faire des shows et non de vendre des disques.»

Depuis deux ans, Dead Obies a donné beaucoup de spectacles. «Les gens tripaient encore plus qu'avec l'album. On voulait trouver une façon de rendre le disque plus live, avec le dynamisme de nos chansons à cinq voix sur le stage

James Brown avait procédé sensiblement de la même façon pour Sex Machine. «La chanson est live, mais il y a des overdubs en studio. Les fourmis de Jean Leloup aussi: c'est live, mais il y a des instruments ajoutés et il a doublé sa voix.»

Cette méthode implique une préproduction très aboutie et intense. «Mais cela nous donne un échéancier», fait valoir 20some.

«On trouvait ça cool de faire des chansons aux trois quarts de leur création en spectacle puis de les refaire en studio en gardant la base live

Quiconque a vu Dead Obies en spectacle comprend à quel point les chassés-croisés vocaux entre les cinq MC relèvent d'une fougueuse et habile gymnastique. Mais pour les interprètes, ce n'est pas aussi complexe que cela en a l'air. C'est plutôt intuitif dans leurs rôles respectifs.

«Nous écrivons chacun nos couplets et nous organisons les refrains en groupe, explique Yes Mccan. Mais d'avoir fait de la scène activement nous évite d'avoir à répéter souvent pour être conscients des autres corps et des autres voix dans l'espace sur scène. Tout le monde prend sa pocket vraiment facilement et ça sonne à l'unisson. Pour nous, c'est une synergie naturelle.»

«Un jeu de contrepoids», résume 20some.

Un tout aussi fort que la sommes des parties

La thématique et le concept de l'album Montréal $ud tournaient autour de la jeunesse des membres de Dead Obies. Il ont grandi dans la classe moyenne ordinaire de l'ennuyeuse banlieue avant de faire le saut dans la vie urbaine agitée et hédoniste. «Ils ont fait leur éducation intellectuelle et culturelle sur le web et ils représentent la jeune génération multiethnique et affranchie des vieux démons de la société québécoise», écrivait-on il y a deux ans.

«La structure narrative de l'album qui s'écoute comme un film, on a laissé cette forme à Montréal $ud, indique Yes Mccan. Le nouvel album est plus rassembleur et accessible, mais on ne voulait pas perdre de la substance. Celle-ci vient de la façon dont l'album est fait.»

Le nouvel opus est inspiré du livre La société du spectacle de Guy Debord. «La métaphore du spectacle peut s'appliquer à plein de niveaux. Dans les rapports humains, l'organisation sociale... C'est encore plus actuel avec les téléphones intelligents et les réseaux où les gens se mettent en scène», signale Yes Mccan.

«Tout ce qui est plus loin de l'essence», complète 20some.

Pour citer Guy Debord, «le vrai est un moment du faux». Dead Obies ne voulait pas surintellectualiser ses chansons pour autant. Il fallait que chaque titre puisse s'écouter individuellement.

«Le bigger picture du projet n'est pas la trame narrative de l'album, mais les mises en abyme du concept de l'album enregistré live et de tous les clips qui vont sortir.» - Jo RCA, de Dead Obies

Le faux documentaire Les auditions, que Dead Obies a sorti en guise d'appât il y a trois semaines (et qui met en vedette Joël Legendre et Adib Alkhalidey, notamment), va dans ce sens.

Dead Obies voulait créer des chansons plus fortes musicalement. «On donne plus de refrains sur cet album-là et des sing-along, note le compositeur («beatmaker») VNCE. Il y avait un désir de faire des chansons plus simples et épurées, qu'on peut écouter de façon aléatoire.»

VNCE cite un air «West Coast des années 90», un autre «à la DJ Mustard» et «des chansons plus lentes».

En juin dernier, Dead Obies a offert quatre de ses nouvelles compositions en téléchargement gratuit. Pour le reste, il n'y aura que de l'inédit au Centre Phi.

Écoutez les quatre nouvelles chansons de Dead Obies: www.deadobies.com

Le collectif Kalmunity

Sur scène, Dead Obies sera accompagné du collectif d'improvisation musicale Kalmunity, que le groupe suit et admire depuis longtemps. Un collectif de musiciens émérites qui ont longtemps eu rendez-vous chaque semaine au Sablo Kafé, dans la Petite Italie. « Nous étions les petits gars qui venaient au show », raconte Yes Mccan.

Dead Obies a une confiance aveugle en Kalmunity (dont le guitariste Jordan Peters tourne présentement avec Lauryn Hill). «C'est hallucinant comment le groupe peut reprendre un beat», précise VNCE.

Sinon, Dead Obies promet «un spectacle multimédia immersif et interactif», avec des projections et des éclairages d'envergure. Dead Obies profitera de l'occasion pour tourner deux vidéoclips et un mini-documentaire en étroite collaboration avec le vidéaste GPG (Gabriel Poirier-Galarneau).

«Tout l'artwork clair-obscur qui joue autour du vrai et du faux» va prendre graduellement son sens au Centre Phi et dans les semaines qui vont suivre, jusqu'à la sortie de l'album en mars.

Dead Obies tenait à ce que le concept soit subtil pour ne pas nuire à la valeur pop et à l'énergie de l'album.

«Les gens vont pouvoir le "recevoir" sans en lire tous les niveaux. Un peu comme Les Simpson ou La petite vie, que tu peux regarder au premier degré ou dont tu peux voir le commentaire sur la société. Ce n'est pas lourd, mais c'est sociologiquement chargé.»

Parlant de «sociologiquement chargé», le franglais de Dead Obies a eu une grande résonance politique dans les médias québécois l'an dernier et a même alimenté récemment un article dans The Guardian. «Il faut prendre cela comme un blessing», dit Jo RCA. «Des fois, je trouve ça gros, mais pourquoi pas?, lance 20some. Tant mieux qu'on en parle.»

Conclusion? Rarement a-t-on été assis devant des rappeurs qui savent autant où ils s'en vont. Et qui savent pourquoi et comment ils vont y arriver.

«Je suis fucking excité pour le show au Centre Phi. Sérieux, pour un show de 20 piasses, ça va être fou», s'enthousiasme 20some.

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Au Centre Phi du 14 au 16 octobre.

Yes Mccan, VNCE, Jo RCA, Snail Kid, O.G. Bear, 20some. Dead Obies se produit au Centre Phi de mercredi à vendredi.