Metric fait paraître aujourd'hui son sixième album, Pagans in Vegas, alors qu'un autre est déjà prêt à être lancé. Entrevue avec les deux membres fondateurs du groupe torontois.

Après Synthetica, les membres de Metric ont pris une pause chacun de leur côté et à leur façon: Jimmy Shaw dans l'hiver de Toronto et Emily Haines avec sa valise dans la chaleur du Nicaragua et en Espagne.

«Jimmy et moi avons écrit plein de musique séparément. Lui dans son studio et moi, partout dans le monde avec ma guitare. Nous avons abouti non pas avec un, mais deux albums», raconte Emily Haines.

Les compositions de Jimmy sont au coeur de Pagans in Vegas, qui sort aujourd'hui, alors que celles d'Emily sont les fondations d'un deuxième album qui sortira quand Metric le décidera, grâce à la nouvelle application que le groupe a lancée, baptisée «The Pagan Portal».

Les trois derniers albums de Metric ont pris naissance dans le studio Giant de Jimmy Shaw (qu'il partage avec Sebastien Grainger de Death From Above 1979).

«Nous avons la liberté et le temps d'explorer. C'est un environnement où nous pouvons tout essayer», dit Emily Haines.

Metric boucle toutefois ses albums à New York, en compagnie du mixeur John O'Mahony. Pour son album précédent, Synthetica, ç'a été au mythique studio Electric Lady. Pour Pagans in Vegas, l'étape de production finale a eu lieu aux Oscilloscope Labs, le studio des Beastie Boys. «C'est comme passer l'album aux rayons X pour corriger ses derniers défauts», dit Emily Haines.

Jimmy Shaw a délaissé sa guitare pour jeter les bases musicales de Pagans in Vegas avec un synthétiseur modulaire CS80. «J'ai regardé des vidéos de nerds sur YouTube où des musiciens assurent la ligne de basse avec leur main gauche et la mélodie avec leur main droite avec du rythme, raconte-t-il. Je trouvais que c'était une façon fascinante de composer des chansons.»

La suite de Pagans in Vegas sera plus intimiste et acoustique. «Un peu comme mon album solo, Knives Don't Have Your Back», illustre Emily Haines.

Avec la vogue électro minimaliste des dernières années, beaucoup de musiciens se sont improvisés claviéristes. Or, il existe des sortes de «synth heroes» qui maîtrisent l'instrument à la perfection. Des groupes comme Kraftwerk, Depeche Mode et New Order, par exemple, ont révolutionné la musique électronique.

Metric a voulu leur rendre hommage. «Nous n'avons presque pas utilisé de langage MIDI. Nous avons joué live», souligne Jimmy Shaw.

Se mettre en danger

Pour Emily Haines et ses complices, il est important de toujours faire un pas en avant, ou du moins ailleurs, sans trop s'accrocher à la signature musicale associée à Metric. «On ne peut pas faire du surplace en regardant le passé. Il faut se mettre en danger.»

D'ailleurs, Jimmy Shaw chante pour la première fois sur une pièce de Metric, Other Side. «Je sors complètement de ma zone de confort, donc c'était la chose à faire», lance-t-il.

Il a aussi écrit la pièce finale instrumentale The Face Part II, dont la fin ouverte prend tout son sens avec l'album qui s'en vient. «On entend un répondeur», souligne Emily Haines, qui attire l'attention sur le numéro de téléphone, que les fans de Metric peuvent composer et où les attend une sorte de voyage dans le temps.

Metric veut tisser le lien le plus direct possible avec son public, sans intermédiaires publicitaires. «Aujourd'hui, dans l'univers en ligne, la musique sert à vendre. C'est un hameçon pour une publicité. Il y a beaucoup de bruit sur le web», plaide Emily Haines.

«Nous avons maintenant un tunnel entre nos fans et nous. Nous pouvons lancer de nouvelles chansons quand nous voulons, sans attendre après qui que ce soit», ajoute Jimmy Shaw.

«Cela nous donnera beaucoup de liberté pour la sortie de l'album suivant», renchérit Emily.

L'authenticité et le temps qui passe sont des thèmes de prédilection pour la parolière. «Vegas est une métaphore pour le monde et l'économie qui n'arrêtent jamais. Nous sommes comme Bigfoot devant une machine à sous.»

Tourner avec Imagine Dragons

Emily Haines rappelle que Metric prend constamment des risques. Elle s'estime chanceuse d'avoir fait partie de l'âge d'or de l'indie rock. Metric continue de mener une carrière enviable tout en restant indépendant grâce à sa propre compagnie de disques au sein du groupe Crystal Math Music.

Cela n'empêche pas le quatuor, complété par le bassiste Joshua Winstead et par le batteur Joules Scott-Key, de vouloir rallier le plus de gens possible avec sa musique. D'où le fait que le groupe a décidé d'assurer récemment la première partie de la tournée d'Imagine Dragons. «Nous avons joué devant un demi-million de personnes qui ne nous connaissaient pas. Il faut mettre son ego de côté. Et si nous craignions d'être trop mainstream, nous avons eu la preuve que nous sommes loin de l'être.»

«Étrangement, je me suis sentie très libre dans cette tournée, poursuit Haines. Je n'avais pas la pression d'être une tête d'affiche. Nous étions le groupe cool, comme à nos débuts. Nous étions David et non Goliath.»

Avec Pagans in Vegas, reste que Metric s'inspire davantage de Goliath. Les critiques sont dures envers l'album. Mais le public tranchera et une suite plus acoustique et intimiste s'en vient.

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ÉLECTRO-ROCK. Metric. Pagans in Vegas. Crystal Math Music.