En 2001, Above & Beyond s'est détaché en moins d'un an du peloton des aspirants DJ, remixeurs et producteurs britanniques grâce à Madonna. Depuis, son succès toujours croissant lui a permis de faire le tour du monde et lui vaudra, samedi prochain, d'être la tête d'affiche du festival ÎleSoniq au parc Jean-Drapeau.

Aujourd'hui encore, Tony McGuinness parle d'un «coup de chance». Jamais il ne se serait douté que cette idée un peu folle de remixer la chanson What It Feels Like For a Girl de Madonna permettrait au trio anglais Above & Beyond de se hisser dans le peloton de tête des artistes de musique dance électro 15 ans plus tard.

Au début du millénaire, McGuinness jouait de la guitare depuis une dizaine d'années dans un groupe rock et il occupait le poste de directeur du marketing à la maison de disques Warner, où il veillait sur la carrière d'artistes, dont William Orbit.

Un beau jour, il a proposé à l'agente de Madonna - qu'il connaissait bien - de remixer What It Feels Like For a Girl avec deux universitaires brillants avec lesquels il avait commencé à travailler, Jono Grant et Paavo Siljamäki. Moins d'une heure après avoir reçu leur fichier MP3, Madonna leur a répondu qu'elle n'avait jamais entendu un aussi bon remix. Et elle leur a annoncé qu'elle avait l'intention d'utiliser la relecture d'Above&Beyond dans le vidéoclip qu'allait tourner son mari Guy Ritchie.

«C'est aussi ce qui a lancé nos carrières de DJ, ajoute McGuinness au téléphone. À cause du remix de Madonna, on nous a demandé de remixer une chanson de la star pop Ayumi Hamasaki, qui était plus populaire que Madonna au Japon. Son label a adoré notre remix et il en a fait le premier extrait de l'album. Puis on nous a demandé si on faisait des sets de DJ en prévision du lancement du disque à Tokyo. Bien sûr, ai-je dit. C'était un gros mensonge! On a vite acheté des platines et des disques et on s'est retrouvés devant 8000 spectateurs à Tokyo aux côtés de Tiësto et Ferry Corsten. Disons que mes nouveaux talents de DJ ont été sérieusement mis à l'épreuve...»

Depuis, Above & Beyond a fait le tour du monde à plusieurs reprises et il a lancé plusieurs disques, dont l'album We Are All We Need (en début d'année), qui a encore accru sa popularité. Il faut dire que peu avant, en octobre 2014, le trio avait franchi une étape majeure en Amérique du Nord en emplissant le Madison Square Garden de New York pour un concert qui a été diffusé simultanément à son émission de radio Group Therapy et à la télé.

McGuinness conserve précieusement le billet d'argent que lui a remis le gérant du Madison Square Garden ce soir-là: «Je vais le faire encadrer et l'accrocher à un mur de ma maison.»

Trance ou pas?

Above & Beyond est souvent qualifié de groupe trance progressif, mais Tony McGuinness se soucie peu des étiquettes qui, dit-il, n'ont plus le même poids depuis que les médias traditionnels ont perdu de leur influence au profit des médias sociaux.

«On n'a jamais cherché à s'aligner sur l'EDM [electronic dance music] parce que ça change tout le temps, dit-il. Above&Beyond fonctionne un peu comme un groupe qui écrit des chansons, avec ou sans nos chanteurs invités, sur des sujets qui nous semblent importants: la vie, l'amour, la perte, l'émotion - des chansons sur la vraie vie, quoi. On n'écrit pas de la musique de party en soi, même si on sait qu'elle va être écoutée dans ce contexte quand on participe à un festival EDM.»

Depuis quelques années, Above&Beyond donne à l'occasion des «concerts acoustiques» auxquels participent les chanteurs qu'on entend sur leurs disques, comme Zoë Johnston et Alex Vargas. Le trio songe même à monter une tournée de concerts acoustiques plutôt que de donner seulement quelques spectacles isolés: «On joue nos chansons dans un autre contexte que la formule dance pour faire ressortir davantage notre travail d'auteurs-compositeurs-interprètes.»

Dans tous leurs autres concerts, dans les festivals en plein air, les théâtres ou les boîtes, les DJ se produisent sans leurs chanteurs, dont on entend alors les enregistrements. McGuinness ne se permet même pas de pousser les quelques chansons qu'il chante sur leurs albums.

«Dans un concert électronique, je trouve que l'effet est pas mal le même: les gens chantent comme si le chanteur était là en personne, mais, s'il y était, sa voix serait noyée parmi celles des spectateurs, dit McGuinness en riant. C'est une chose de chanter une chanson accompagné d'une guitare acoustique, de cordes, d'une contrebasse et d'une batterie acoustique, mais le volume de la musique électronique est tellement élevé que c'est presque impossible d'obtenir un bon mix du chanteur sur scène. Et comme spectateur, je trouve que la participation d'un chanteur nuit au rythme du concert. Je n'ai jamais vraiment vu quelqu'un gagner ce pari-là.»

Enfin spectateurs

Samedi prochain, Tony McGuinness montera sur la scène d'ÎleSoniq avec Paavo Siljamäki. Jono Grant sera en Europe pour un autre engagement.

«C'est toujours compliqué de bâtir notre horaire parce qu'il y a tellement de festivals», explique McGuinness qui jouait avec Siljamäki à San Diego il y a deux jours pendant que Grant se produisait à Ibiza.

À Montréal, McGuinness et Siljamäki profiteront d'un rarissime vendredi de congé pour aller voir les groupes qui se produiront à ÎleSoniq.

«J'ai hâte de m'imprégner d'un festival pour la première fois depuis quelques années parce qu'on n'a jamais le temps, dit McGuinness. Je tiens à voir Die Antwoord. Je les connaissais un peu, mais quand j'ai vu le film Chappie [film de science-fiction dans lequel jouent deux des trois membres du groupe sud-africain], je me suis dit qu'il fallait absolument que j'aille les voir.»

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Sur la scène Oasis Fido le 15 août, à 21h25, dans le cadre du festival ÎleSoniq.