Inconnu il y a deux ans, Benjamin Booker ne passe plus inaperçu depuis la sortie de son premier album, l'été dernier. Son blues-rock cru et hyper énergique fait l'effet d'une bourrasque, et les chanceux qui ont vu le guitariste et chanteur de 25 ans sur scène vantent son attitude de conquérant. Il se produisait mercredi soir à La Sala Rossa.

Tout s'est bousculé dans la vie de Benjamin Booker il y a trois ans alors qu'il s'installait à La Nouvelle-Orléans pour y travailler pour une OSBL. Quelques semaines avant d'emménager en Louisiane, il avait mis en ligne des maquettes de chansons dont la radio s'est emparée. Subitement, son téléphone s'est mis à sonner.

«Ça n'a rien à voir avec La Nouvelle-Orléans, c'est plutôt une question de timing. Mais c'est un très bel endroit pour faire de la musique», dit l'artiste émergent de 25 ans.

Pris dans un tourbillon depuis ce temps-là, Booker a même confié l'an dernier au magazine français Les Inrocks qu'à ses débuts, il y a trois ans, il craignait de monter sur scène.

«Ça va aujourd'hui, mais ce n'est pas naturel de se pointer devant un auditoire pour jouer et chanter des chansons, dit-il aujourd'hui en riant. Certains sont faits pour ce genre de choses, mais je ne l'étais pas. Ça vient avec la pratique.»

«L'an dernier, on a donné beaucoup de shows, et j'ai appris à me concentrer et à m'immerger dans la musique. Je n'ai plus peur de la foule, je me soucie davantage d'évoquer un feeling et d'émouvoir.»

Amateur de blues

Booker tripe fort sur le blues. Il a découvert le légendaire Leadbelly à l'écoute de sa chanson Where Did You Sleep Last Night? qu'a reprise Nirvana et, de fil en aiguille, il est devenu un fan fini des bluesmen d'antan, dont Blind Willie Johnson.

«Le blues est la base de toute la musique populaire d'aujourd'hui, du rock heavy au hip-hop, rappelle Booker. Max [Norton, son batteur], Alex [Spoto, son bassiste] et moi sommes tous d'énormes fans de musique et nous partageons nos découvertes. Max m'a fait connaître S.E. Rogie [de la Sierra Leone] que j'ai beaucoup écouté.»

Booker cite également parmi ceux qui l'ont marqué T. Rex, groupe de glam-rock des années 70 dont il apprécie l'album Electric Warrior.

«T. Rex [Marc Bolan] était un gars de blues. Lean Woman Blues n'est rien d'autre qu'une chanson de blues électrique. J'aime qu'on prenne un genre de musique et qu'on le transforme pour se l'approprier.»

C'est justement ce qu'il fait en concert quand il reprend des chansons d'une autre époque comme Falling Down Blues de Furry Lewis, la chanson folk Little Liza Jane popularisée par Nina Simone et Shout Bamalama d'Otis Redding.

Un émule de Jack White

Booker se reconnaît également dans Jack White, avec qui il est parti en tournée et qui, en fin de concert, l'a invité à un duel de guitaristes inspiré de Leadbelly.

«On a des goûts musicaux et une esthétique similaires, explique Booker. Jack est un gars de rock de garage qui adore le blues. J'ai grandi en écoutant sa musique et celle des White Stripes.»

«Quand j'ai commencé à jouer de la musique, je me suis dit que je rencontrerais peut-être ce gars-là un jour. Ça me semblait ridicule que deux personnes ayant autant de choses en commun ne se croisent pas éventuellement. C'est ce qui est arrivé.»

Benjamin Booker a étudié l'histoire et le journalisme à l'université et il lui arrive de signer des critiques de disques qu'on ne saurait confondre avec sa musique à lui, comme l'album Seeds du groupe TV on the Radio.

Dans sa propre chanson Spoon Out My Eyeballs, Booker s'insurge contre la musique trop léchée faite par des adeptes du copier-coller musical: «Oui, j'aime parfois la musique que j'entends à la radio, mais ce n'est pas une chose qui m'interpelle et à laquelle je peux m'accrocher quand je déprime.»

Le blues-rock rageur de son album se prête également à une chanson à portée sociale comme Kids Never Grow Older, dans laquelle il est question d'une nation inquiète qui a honte.

«J'écoutais David Simon, le gars qui a fait [la télésérie] The Wire, et il résumait ça parfaitement: l'Amérique a beaucoup de problèmes dont les solutions semblent tellement évidentes! Pourtant, on continue à commettre les mêmes erreurs. C'est un jeune pays qui ne s'améliore pas, comme des enfants qui ne vieillissent jamais. Et puis, j'étais en septième année quand a eu lieu la tragédie du 11-Septembre et j'ai grandi dans l'ombre du conflit au Moyen-Orient qui a suivi. Ma chanson parle également de ça.»