Le Preservation Hall existe depuis 1961, mais à voir et entendre les sept musiciens qui perpétuent de par le monde la tradition ancrée dans ce sanctuaire vétuste du Vieux Carré de La Nouvelle-Orléans, on jurerait qu'il a ouvert ses portes à la belle époque du dixieland.

«À La Nouvelle-Orléans, le mot dixieland est considéré comme ringard et n'est plus utilisé de nos jours, corrige Ben Jaffe, le leader à la tête frisée du Preservation Hall Jazz Band qui se produira au Théâtre Maisonneuve jeudi soir. De toute façon, ça ne reflète pas vraiment ce qu'on fait. On se voit vraiment comme un groupe qui transcende presque toutes les catégories musicales. La musique que nous faisons est nouvelle.»

Ceux qui ont vu le PHJB en 2013 au Festival de jazz ou l'année précédente au Festival de musique de chambre de Montréal, dont il sera encore l'invité jeudi, savent que le septette donne joyeusement dans le blues, le rhythm and blues et le jazz, toutes des musiques qui ont des racines à La Nouvelle-Orléans.

Plus encore, pour la première fois de l'histoire du groupe, son plus récent album, That's It!, était constitué uniquement de compositions originales signées en bonne partie par le coréalisateur Jim James du groupe rock My Morning Jacket.

«Le défi pour nous était d'écrire du nouveau matériel qui ne soit pas énormément différent de ce que nous représentons, mais, en même temps, d'ouvrir une nouvelle voie», explique Jaffe, joueur de tuba et de contrebasse.

«Nous n'avons pas terminé ce voyage, ça ne fait que commencer. Dieu merci, Louis Armstrong, Jelly Roll Morton et tous les autres se sont lancé un défi un jour et ils ont créé le répertoire qui est devenu la base de la musique que nous jouons. À notre tour de créer un nouveau répertoire pas seulement pour nous, mais aussi pour la prochaine génération de musiciens de La Nouvelle-Orléans.»

Un nouvel album du PHJB est en préparation, en collaboration avec un réalisateur «très accompli», nous dit Jaffe. Pourrait-il s'agir de Dan Auerbach, des Black Keys, qui a fait un travail magistral sur l'album Locked Down de Dr. John, le sorcier de La Nouvelle-Orléans? Jaffe dira seulement qu'il a trouvé «incroyable» le numéro que son groupe a donné avec le bon docteur et Auerbach au gala des Grammy en 2013.

Protéger la tradition

Ben Jaffe est né en 1971, 10 ans après la fondation du Preservation Hall par ses parents venus de Philadelphie. Quand son père est décédé, il a repris le flambeau, histoire de propager la tradition de la musique de La Nouvelle-Orléans.

«Les musiciens qui jouent à La Nouvelle-Orléans aujourd'hui sont liés par le sang aux pionniers du jazz», affirme d'abord Jaffe.

«Il faut que les traditions évoluent, sinon elles deviennent des objets de musée. Selon moi, le mot "preservation" signifie protection. Notre responsabilité première est de protéger la tradition et non pas de la préserver en la mettant sur une tablette.» - Ben Jaffe

Ben Jaffe a grandi dans la musique et il a été entouré de musiciens toute sa vie durant. Mais son rapport à la musique transcende l'expérience personnelle: «À La Nouvelle-Orléans en particulier, la musique est une énorme tranche de la vie sociale. Tout tourne autour de la musique, et personne n'y échappe. Si tu n'es pas musicien, il y a quelqu'un dans ta famille qui joue de la musique. Ainsi va la vie.»

La Nouvelle-Orléans et ses musiciens ne sont pas encore tout à fait remis du passage de l'ouragan Katrina il y aura bientôt 10 ans. Le Preservation Hall a même dû fermer ses portes pendant un an, tellement la ville avait été abandonnée.

«L'ouragan Katrina a littéralement anéanti notre ville, et nous n'avions aucune idée de ce dont elle aurait l'air par la suite, raconte Ben Jaffe. À La Nouvelle-Orléans, les gens se tournent toujours vers la musique pour y trouver de la force quand ils subissent des épreuves. C'est la musique qui nous a ranimés, et je suis convaincu que le Preservation Hall a joué un rôle énorme là-dedans.»

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Au Théâtre Maisonneuve le 2 avril, 20 h.