En moins d'un an et demi, Sally Folk aura pondu deux albums: l'un sans titre à l'automne 2013, puis ce Deuxième acte que l'on découvre à la fin de ce très long hiver 2015.

«Ça fait sept ans que j'écris des chansons. J'écoute peu la télévision, j'écris des chansons. J'en ai beaucoup! Une heure d'écriture par jour», souligne ce petit bout de femme dont l'esprit vif et la détermination ont tôt fait d'irradier le Club Soda. Elle y lançait mardi son second opus.

Derrière cette chanteuse pétillante qu'on imagine sortie d'un épisode de Mad Men, série qu'elle dit d'ailleurs beaucoup aimer, il y a une histoire intéressante.

Née d'un père kabyle et d'une mère keb de souche, élevée à Laval, résidante de Verdun, Sophia Krim semble ne jamais avoir manqué d'ambition. Dès l'âge de 21 ans, elle était copropriétaire de restaurant (Le Tinto), avant de devenir tenancière de bar avec d'autres associés (le Sofa de 2004 à 2007). Tout ça en plus de mener à bien des études de premier cycle universitaire - en cinéma et gestion d'entreprise.

Elle ne commença la guitare qu'au milieu de la vingtaine. L'apprentissage de l'instrument se fit de concert avec l'écriture de chansons. Vous savez, il faut beaucoup de confiance en soi pour envisager de faire sa place sur cette terre particulièrement friable qu'est le milieu de la pop musique.

Alors? Sept ans plus tard, cette femme d'affaires déterminée (c'est un euphémisme) est Sally Folk, prolifique auteure-compositrice-interprète de notre pop culture.

«Je fais toujours des affaires, pense néanmoins notre interviewée. Je comprends le marketing de mon personnage, j'en crée le look. Je me suis produite moi-même pendant quatre ans, avant de travailler avec le Groupe Entourage. Je peux enfin me concentrer exclusivement sur mon art et mon public et vendre une expérience.»

Personnage vintage

D'une voix un tantinet piafienne, Sally Folk s'exprime dans un français normatif. Elle souhaite bien écrire et se donne les moyens d'y parvenir. «Je m'entoure de dictionnaires, je ne lésine pas sur la recherche. Plusieurs personnes révisent ensuite mes textes.»

Elle a mis au point un personnage vintage: coiffure sixties, fringues sixties, talons aiguilles, faux cils, vernis à ongles, eye-liner à gogo. Son «partenaire artistique» fut l'acolyte de Jean Leloup, Daniel Bélanger, Marc Déry, Maxime Landry. Guitariste d'expérience, Michel Dagenais a réalisé Deuxième acte en respectant les goûts musicaux de sa chanteuse, en phase parfaite avec son image: l'Amérique de la fin des années 50 à la fin des années 60, juste avant que ça vire psychédélique. Rock'a'billy, soul de Memphis, pop classique, yéyé et bossa-nova tapissent cet album.

«Si vous venez souper chez moi, dit la principale intéressée, Elvis Presley, les Beatles ou Aretha Franklin jouent en toile de fond. C'est ce qui m'inspire! Pour chaque chanson, j'exprime mes envies musicales à Michel. Il en trouve la source pour l'adapter.»

Force est de déduire que les choix musicaux et visuels de Sally Folk sont indissociables. Et rejaillissent dans un imaginaire résolument féminin:

«Les femmes des années 60, croit-elle, étaient plus coquettes. Elles usaient de leur sensualité avec une certaine modestie, mais... subtilement, elles obtenaient ce qu'elles désiraient. Les hommes les trompaient? Oui. Et elles se vengeaient!»

Ironie

Dans son premier album, la chanteuse estime avoir beaucoup exprimé ce qu'elle pensait des hommes. Elle poursuit dans la même direction, mais explore aussi l'univers féminin et s'y permet plus d'ironie.

«De manière générale, j'aime me promener sur cette ligne fine qui sépare ce qui est correct et ce qui ne l'est pas. L'adultère, par exemple, peut-il être commis par la femme qui s'estime maltraitée par son conjoint?»

D'autres exemples, Sally Folk?

«Dans la chanson L'eau dans le vin, une femme s'imagine empoisonner son copain, s'en débarrasser parce qu'il l'exaspère. Dans Les rideaux clos, des femmes essaient ensemble de piéger le conjoint de l'une d'elles afin d'en évaluer la droiture. Dans L'acrobate, une femme se demande que faire pour plaire à son homme contaminé par la porno. Dans C'est moi la plus belle, il y a de l'autodérision. Dans La manie facile, je parle de ces petits tics nerveux qu'on a, qu'on devrait corriger et qu'on ne corrige pas. Dans Chéri est à moi, l'homme qui se plaint d'être dominé par une conjointe trop autoritaire se complaît finalement dans cette position.»

Si la musique et l'allure de Sally Folk évoquent le passé composé et l'imparfait, ce qu'elle fait rimer nous ramène à l'indicatif présent...