Pour tout aficionado du rock mélancolique des années 90, Juliana Hatfield a incarné l'intégrité de la scène indépendante de l'époque. À 47 ans, l'Américaine revient avec un nouvel album et assume désormais son «excentricité».

«Je continue à me demander quelle trace laissera mon passage sur Terre», philosophe Juliana Hatfield, à la fois franche et modeste, lors d'un entretien accordé à l'AFP.

Le refus de la «starification» a d'ailleurs été, un temps, la marque de fabrique du rock indé, de celui qui gravitait autour de Boston, avec Sebadoh ou Dinosaur Jr, il y a une grosse vingtaine d'années.

À l'époque, Juliana Hatfield et son groupe The Juliana Hatfield Three se fait un nom en Europe et sur les radios universitaires américaines grâce à des titres comme My Sister, Hey Babe ou Spin the Bottle», mis en valeur dans Reality Bites, le film de Ben Stiller sur la Génération X, ces Occidentaux nés dans les années 60-70.

Depuis, la Génération Y a suivi et Juliana Hatfield s'est essayée à la peinture, a étudié les beaux-arts, a écrit un livre et a sorti des disques en solo.

Whatever, My Love, sorti en février, signe le grand retour de son groupe, The Juliana Hatfield Three, avec lequel elle n'avait plus enregistré depuis 22 ans.

Le disque n'a rien de révolutionnaire - de la pop à guitares, agrémentée de la voix frêle de Juliana Hatfield -, son intérêt réside dans la candeur de la chanteuse: elle a le blues et elle ne s'en cache pas.

«J'assume mon excentricité»

«J'ai vraiment le sentiment que la musique m'a maintenue en vie pendant de longues années. Ça a été ma bouée de sauvetage», confie-t-elle.

Et ce ne sont pas des paroles en l'air. Alors que sa carrière commençait à décoller, Juliana Hatfield tombe en dépression au milieu des années 90 et annule une tournée en Europe.

Dans ses mémoires When I Grow Up sortis en 2008, elle mettait ses déboires sur le compte de l'industrie musicale qui préfère qu'une chanteuse «travaille et enchaîne les promos jusqu'à l'épuisement ou au craquage et qu'elle soit bonne pour les urgences, plutôt qu'elle s'échappe tant qu'elle a encore le pouvoir de décider elle-même de la suite des événements».

Sur Whatever, My Love, Juliana Hatfield chante et joue de la guitare. Pour elle, reprendre le Juliana Hatfield Three tombait sous le sens, la «chimie» y étant autrement plus forte que lorsqu'elle louait les services de musiciens de studio.

Pourtant, plusieurs morceaux ont été composés il y a quelques années déjà et n'ont plus grand chose à voir avec son état d'esprit actuel.

Lorsqu'elle a écrit I'm Shy, Juliana Hatfield explique qu'elle était «anxieuse», terrifiée à l'idée de «parler aux gens».

«Maintenant, j'assume mon excentricité», assure-t-elle. «Je ne me préoccupe plus tellement de ma singularité. J'accepte beaucoup plus mes limites, en fait, je les accepte».