En cinquième secondaire, Michel Robichaud a obtenu une note de 16% en musique. Pas parce qu'il ne comprenait pas la mathématique des doubles croches ou le rôle de la clé de sol, mais parce que le grand ado, futur émule d'Éric Mongrain et de John Butler, grattait les cordes de la guitare avec les ongles de deux doigts alors que le professeur enseignait le jeu à trois doigts.

Orgueil contre entêtement, sourit Michel Robichaud, rencontré cette semaine entre le lancement de son premier CD, Beau mystère, et le début d'une tournée qui l'amènera au studio-théâtre Claude-Léveillée de la Place des Arts jeudi prochain dans le cadre des Week-ends de la chanson Québecor.

Dans la langue du showbiz, le grand gars de Sainte-Adèle fait partie des artistes «émergents», mais son parcours de la dernière année donne à l'expression une connotation éminemment dynamique.

Flashback. Entre 2006 et 2010, Michel Robichaud a donné quatre spectacles, toujours avec ses chansons à lui et toujours avec ses amis au Patriote, à Sainte-Agathe, que dirigeait alors son ami Denis Lamarre, un homme d'expérience «avec un gros coffre d'outils».

«En 2012, j'ai décidé de m'y mettre et Denis est devenu mon manager», raconte Robichaud qui a découvert la scène par ses cours de théâtre au secondaire où, timide, il aimait se «cacher derrière le personnage». «Maintenant, je me cache derrière ma guitare...»

Derrière la guitare de sa blonde, en fait, une Norman qu'il a dû remplacer après s'être fait cambrioler son auto, comme le raconte la chanson Le vol, où se suivent les histoires du voleur, de sa victime et du «témoin», un dictionnaire que le voleur n'a pas pris. Manière de théâtre de parking où Robichaud plonge tête première dans la profusion des mots de son dico: «De scrotum à podium», «de bandit à Gandhi».

Parcours de concours

D'emblée, Lamarre et Robichaud (ça pourrait être une firme de consultants pour artistes émergents) optent pour l'autoproduction, avec les avantages - souplesse, liberté créative - et les inconvénients de l'approche, le premier étant l'obligatoire autosuffisance.

Le problème se règle de lui-même, si l'on peut dire. Robichaud donne 40 spectacles en 2013 et 50 en 2014. Puis vient le choix des concours et festivals où, de Diapason à Vue sur la relève et de Saint-Ambroise à Granby, il repart avec des récompenses dans six des sept manifestations auxquelles il participe. Avec un bang au 46e Festival de la chanson de Granby en septembre dernier où, à son titre de lauréat, il ajoute cinq autres prix, dont le prix Lynda Lemay avec une tournée en Europe.

«En plus de ce que l'on apprend sur la business durant les formations, Granby donne de la visibilité au projet», explique un Michel Robichaud bien conscient de l'avance qu'il avait sur ses concurrents.

«Granby n'était pas dans nos plans, mais un ami nous a convaincus de nous présenter. Je suis arrivé là avec un disque déjà fait et un show rodé...»

Total des gains de concours sur 13 mois: 100 000 dollars, divisés en biens et services - temps de studio, impression des CD, etc. - et environ 20 000 dollars en argent, liquidités qui remettent «les gigs à 200$ dans les petits bars» dans une perspective moins dramatique.

Quotidien «périssable»

Une quinzaine de musiciens ont participé à l'enregistrement de Beau Mystère, disponible sur le web seulement et dans les salles de spectacles où Michel Robichaud se produit en duo avec Jessica-Charlie Latour-Marleau, «multi-instrumentiste, comme son nom l'indique». Robichaud l'est aussi, qui se programme des séquences de batterie et autres effets de pédale pour asseoir les rythmes folk rock de ses interrogations vitales: Comment sentir un fond solide/Quand on marche dans le vide?

«Herbivore calciotrope» avide d'images et de mots, Michel Robichaud est aussi un philosophe du quotidien «périssable» qui se pose beaucoup de questions sérieuses, mais sans se prendre la tête. Mais ça chauffe là-haut, on le sent - Des fois, le courant/Me zigouille le cockpit -, même si le danger vient surtout du bas: Si ta semence est sans complexe/Et passe au travers du latex/Vas-y, vas-y, vasectomie. Un homme averti...

Les affaires roulent pour Michel Robichaud, futur trentenaire qui prend bien soin de ne pas s'énerver avec tout ça. «Tout est à faire», lance-t-il en évoquant un son à peaufiner et une image à définir.

Tout est à faire, mais le cas du médiator est réglé: Michel Robichaud a, sur l'ongle du pouce droit, un pick qu'il a lui-même découpé, chauffé et collé. Artisan jusqu'au bout des doigts, on vous dit.

Au studio-théâtre Claude-Léveillée de la Place des Arts le 4 décembre.