John Fogerty n'hésite pas une seconde quand on lui demande ce qu'évoque pour lui 1969: «Ce fut une super bonne année en musique pour moi. J'étais très, très occupé!»

On ne saurait le contredire. En 1969, Creedence Clearwater Revival, dont il était le chanteur, le guitariste et l'auteur-compositeur, a lancé 3 albums en 11 mois: Bayou Country, Green River et Willy & the Poor Boys. Trois albums et suffisamment de bonnes chansons pour alimenter une bonne partie du concert de la tournée 1969 qu'il donnera au Centre Bell le 12 novembre.

«Le thème principal du concert sera bien sûr l'année 1969 parce qu'il se trouve que j'ai écrit plusieurs de mes chansons très connues cette année-là et qu'il s'est produit certains événements importants pendant la même année. Quand on parle des jeunes en 1969, on pense aux hippies, mais surtout au vent de changement qui soufflait sur la culture. J'ai vécu plein d'expériences cette année-là et j'en garde des souvenirs que n'ont pas ceux qui n'étaient pas encore nés ou qui étaient trop jeunes à l'époque... à moins qu'ils aient lu sur le sujet dans les livres ou sur l'internet.»

Comment diable ce Californien dans la jeune vingtaine, imprégné de la culture du sud des États-Unis et surtout celle de la Louisiane, pouvait-il être aussi productif à l'époque? Fogerty étouffe un rire.

«Eh bien, disons que j'avais deux ou trois idées en tête. J'étais surtout très motivé à me tenir occupé le plus possible. Après le succès radiophonique du 45-tours Suzie Q en 1968, je ne voulais surtout pas être une autre de ces étoiles filantes du rock'n'roll. Avant Creedence, mon band se nommait The Gollywogs, et la perspective de redevenir un Gollywog équivalait pour moi à retourner travailler dans un lave-auto. J'avais un contrat avec un tout petit label [Fantasy] et c'était en plus un label de jazz qui ne connaissait rien du tout au rock'n'roll. Contrairement aux groupes célèbres, on n'avait pas d'imprésario, ni de relationniste ou de réalisateur. J'ai compris que mon salut passerait forcément par la musique et je me suis tenu très occupé.»

La trahison

John Fogerty a donné son premier concert montréalais à vie à la salle Wilfrid-Pelletier en 2007, 35 ans après la séparation de Creedence Clearwater Revival. Il faut dire que pendant de nombreuses années, il refusait carrément de jouer sur scène les chansons de CCR en raison du conflit qui l'opposait au label Fantasy. Le regrette-t-il aujourd'hui?

«Ce que je regrette vraiment, c'est comment les gens autour de moi, Saul [Saentz] de la maison de disques et même les autres membres du groupe, ont conspiré contre moi et m'ont trahi, dit-il. J'ai été acculé au mur comme dans un cachot, mais un cachot artistique. J'ai fait mon possible pour survivre à cette époque et aujourd'hui je suis très heureux, la vie est belle et j'ai redécouvert ma muse. Mais plus j'y repense, plus je me dis que j'ai tout fait pour qu'on s'entende, mais que, pour y arriver, il aurait fallu que les autres agissent différemment.»

Même si tout cela est du passé, Fogerty ne digère toujours pas que Doug Clifford et Stu Cook, le batteur et le bassiste de CCR - l'autre guitariste, son frère aîné Tom Fogerty, est mort en 1990 - fassent carrière depuis presque 20 ans sous l'appellation Creedence Clearwater Revisited.

«Nous avions une entente selon laquelle aucun d'entre nous ne pouvait se servir du nom Creedence sans le consentement unanime des autres membres du groupe. Je trouve ça mesquin. Un Beatle ne ferait jamais une chose pareille», répond Fogerty en ricanant.

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Au Centre Bell, le 12 novembre.

1969 en trois chansons

La guerre du Viêtnam

> Fortunate Son

«La guerre du Viêtnam m'a sans doute inspiré plusieurs chansons à l'époque, et Fortunate Son est probablement la plus évidente à cause de la façon dont les jeunes gens étaient sélectionnés pour aller se battre dans cette guerre. En fait, ce n'est pas tellement une chanson sur la guerre comme sur les privilèges de classe et combien ils sont injustes. Il y a beaucoup de colère dans cette chanson.»

Le premier homme sur la Lune

> Bad Moon Rising

«Depuis John F. Kennedy, les États-Unis s'employaient à envoyer un homme sur la Lune. Je ne savais peut-être pas à quelle date ça allait se produire, mais j'avais certainement ça en tête quand j'ai écrit Bad Moon Rising. Elle tournait déjà à la radio quand l'homme a mis le pied sur la Lune, mais cette chanson dit surtout que nous ne sommes que peu de chose face aux forces de la nature comme les tremblements de terre et les ouragans.»

Woodstock

> Who'll Stop the Rain

«Who'll Stop the Rain a certainement été inspirée par Woodstock et j'y ai mis plusieurs allusions à mon week-end à ce festival. Mais cette chanson parle également de la guerre. La pluie est une métaphore de la rhétorique des gouvernements et des privilégiés, mais j'ai campé la chanson dans le décor de Woodstock où tellement de jeunes de ma génération étaient rassemblés.»