Ce mini-album en anglais joliment intitulé Highways, Heartaches and Time Well Wasted, Lisa LeBlanc ne l'avait pas planifié. Pas plus qu'elle n'avait prévu le tourbillon qui l'a soulevée de terre ici et en France après la sortie de son premier album, en 2012.

«Comme ben du monde, j'ai commencé à écrire en anglais et finalement, je suis passée au français», raconte-t-elle, attablée à la cafétéria de La Presse.

«Puis, l'an dernier, une première chanson en anglais, You Look Like Trouble (But I Guess I Do Too), m'est arrivée de nulle part. J'étais la première surprise parce que j'ai souvent écrit en anglais, mais il n'en était rien sorti qui valait la peine. Ensuite, j'ai fait un roadtrip aux États-Unis. Je me suis retrouvée à Nashville, à Memphis et à Lafayette, aux sources de tout ce que j'écoutais. C'était super inspirant et je me suis mise à écrire des nouvelles tounes en anglais. Je voulais les sortir, mais sans assumer un album en entier. Personne ne s'attendait à ce que je sorte un EP, surtout après mon premier album, mais j'aime ça arriver avec des idées de niaiseux qui surprennent le monde.»

Lisa LeBlanc pouffe de rire. Elle raconte que ces six chansons enregistrées à Charlo, au Nouveau-Brunswick, et réalisées par Emmanuel Éthier - «Je suis vraiment fan de ce qu'il a fait avec Jimmy Hunt» - devaient paraître le printemps dernier, avant qu'elle se rende compte que sa pochette ressemblait à s'y méprendre à celle de son ami néo-brunswickois Cédric Vieno.

Finalement, elle est bien contente que Highways... sorte juste au moment où elle s'apprête à répandre la bonne nouvelle avec ses musiciens sur les scènes canadiennes jusqu'au Pacifique. Une autre longue balade en auto, par choix.

«Il y a quelque chose qui m'a toujours attirée dans le territoire nord-américain, de l'Ouest canadien et des States, dit-elle. C'est peut-être à cause d'où je viens, les Maritimes, et de mon père qui est un immense fan des routes et de la géographie du Canada. Ça fait longtemps que je veux le faire. Je l'aurais fait avec mon album en français, mais c'est plus simple de booker des trucs quand j'ai un disque en anglais.»

Un langage moins coloré

On retrouve sur ce mini-album la Lisa LeBlanc qui nous a tellement fait triper, la jeune chanteuse fougueuse et volontaire dont l'inséparable banjo est bien en évidence dans une musique assez rock and roll par moments. Avec ses musiciens, elle se permet même une pièce instrumentale - Highways, Heartaches and Time Well Wasted, justement - qui renvoie à la musique des westerns spaghettis de Sergio Leone.

La différence se trouve dans le langage qui, en anglais, est moins coloré que les expressions qui ont conquis son public francophone. Lisa LeBlanc en est tout à fait consciente.

«Moi, je suis bilingue, mais on a une identité tellement forte en français au Nouveau-Brunswick, reconnaît-elle. C'est sûr que la langue que j'utilise, le chiac, a une couleur unique parce que c'est d'où je viens, tandis qu'en anglais, c'est plus universel, il y a moins de jargon. Pour moi, c'était un beau défi, mais je n'ai pas écrit en anglais parce que je veux conquérir le monde ou que c'est plus facile. Au contraire, je me suis lancée là-dedans avec mes dictionnaires comme je le fais en français, dans le fond. J'étais tout le temps en train de fouiller, je lisais plein de paroles de chansons de plein de monde. C'est d'autres mots, d'autres sonorités.»

L'autre différence, c'est qu'à 24 ans et avec tout ce qu'elle a vécu ces dernières années, Lisa LeBlanc n'est plus la jeune femme «naïve et innocente» qui a écrit les chansons de son premier album au sortir de l'adolescence. Mais elle n'a surtout rien perdu de son sens de l'humour, qui se manifeste toujours sur scène, en anglais comme en français.

Elle a dans ses cartons une nouvelle chanson en français, mais elle n'a pas encore trouvé le filon qui lui fasse sentir que son deuxième album est en chantier. Ce disque fort attendu, qu'elle prévoit enregistrer en 2015, pourrait paraître l'année suivante, estime-t-elle sans plus de certitude.

«C'est moi-même qui mets ma propre barre haut parce que je suis vraiment perfectionniste et un peu workaholic, dit-elle. C'est pour ça que je fais de la tournée comme une malade pour mon EP. Je suis tellement bien sur la route, j'aime assez ça être dans une van et partir. C'est pour ça justement qu'on s'en va dans l'Ouest.»

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COUNTRY-FOLK. Lisa LeBlanc. Highways, Heartaches and Time Well Wasted. Bonsound. En magasin le 4 novembre.