Complètement fou, c'est le titre qui coiffe la troisième rondelle multicolore de Yelle, mais c'est surtout un sacré bon qualificatif pour décrire le parcours de l'exubérante chanteuse bretonne.

Celle qui est née sur le réseau social MySpace, en 2005, avec le brûlot parodique Je veux te voir, une flèche dirigée droit dans les organes génitaux de certains rappeurs machistes, a considérablement élargi son «espace» de création et d'influence. Yelle yoyote maintenant entre l'Europe et les États-Unis, où un public nombreux est tombé sous le charme de ses tubes électro-pop.

La Presse a joint la chanteuse au téléphone à l'aube de sa nouvelle livraison. Son stress s'était dispersé en même temps que ses nouvelles chansons, à coups de concerts et de simples qui ont réchauffé l'été européen. «C'était hyper important pour nous de tester les morceaux et de voir comment les gens allaient réagir aux nouveaux titres», lance Yelle de Saint-Brieuc, petite ville sise sur les côtes de sa Bretagne natale.

Ce troisième opus ne marque pas de virage radical par rapport au mégasuccès Safari Disco Club, paru en 2011: des rythmes en montagnes russes, une électro-pop débridée et des clins d'oeil appuyés à l'eurodance des années 1980. Ba$$ in, notamment, risque d'électriser les discothèques de la Ville Lumière, tandis que les premiers simples Bouquet final et la pièce-titre ont déjà mis au défi les hanches les plus engourdies.

La famille Yelle

Qui se cache derrière l'extravertie Yelle? Une Briochine plutôt timide qui répond au nom de Julie Budet, certes, mais la réponse est un peu plus compliquée. «C'est clair dans ma tête que Yelle, c'est nous deux, [le DJ] GrandMarnier et moi. L'un ne va pas sans l'autre. C'est mon visage qu'on utilise dans le visuel, mais seulement pour simplifier notre image.»

Se sont ajoutés à l'aventure le batteur Frank Richard et le créateur de sons Dr Luke, qui travaille avec des pop stars américaines comme Ke$ha, Katy Perry et Nicki Minaj. «Il nous a approchés après avoir entendu notre remix de Hot'n Cold [de Katy Perry], relate Yelle. Au départ, on ne savait pas qui il était, mais, en fouillant un peu sur l'internet, on a vite compris le calibre. On s'est donc mis à discuter avec lui sur Skype, puis on a fait quelques allers-retours à Los Angeles pour les différentes étapes de l'album.»

Si les sonorités ne dévient pas du sillon sexy et franchement pop déjà creusé, les textes, eux, changent légèrement de ton grâce à la contribution de Jérôme Echenoz - fils de l'écrivain Jean Echenoz -, qui officie avec le groupe rap TTC sous le nom de Tacteel.

La chanteuse, qui a l'habitude des collaborations musicales, a dû cette fois s'initier au partage de la plume. «C'était un peu étrange dans le studio, puisque Jérôme et moi ne nous connaissions pas. Mais à force de prendre des repas ensemble, de se promener, de boire un verre, de regarder un film, on a fini par nouer une complicité.»

Sexplicite

La sexualité demeure omniprésente dans les paroles et la livraison autant que dans la facture visuelle de la galette. Le champ lexical de la «baise» s'y décline abondamment, mais sans l'ironie des premières compositions quelque peu polémistes.

«On a écrit les textes sans se poser de questions, dit Yelle. Quand on les a relus, on a constaté que le corps, la sexualité et les relations étaient des thèmes récurrents, mais ça fait partie de nos vies, et c'est tout à fait notre façon d'en parler.»

Cette sexualité sans tabou ne vient pas sans réflexion sur le rapport aux genres. La Française juge primordial que des stars comme Beyoncé ou Miley Cyrus utilisent leur «pouvoir de communication» et de séduction pour faire avancer la cause féministe, à laquelle elle adhère à 100 %.

Chose rare pour une artiste qui chante en français, Yelle se baladera tout l'automne en Amérique du Nord pour distribuer l'énergie de Complètement fou.

A-t-elle failli succomber à l'appel de langue du Billboard? «On ne s'est jamais posé la question, avoue Yelle. J'aime la langue française lorsqu'elle est chantée; c'est très riche, très beau et ça permet de jouer avec les mots.»

La chanteuse s'arrêtera bien sûr à Montréal le 14 octobre. Elle dit avoir une relation «très particulière» avec le Québec, qui l'a soutenue très tôt dans sa carrière, en 2007.

«J'ai tout de suite été accueillie très chaleureusement [par les Québécois], dit Yelle. C'est là que j'ai pleuré sur scène pour la première fois, tellement j'étais émue. Lorsqu'on arrive à Montréal, au Québec, on se sent à la maison.»

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Au Théâtre Corona le 14 octobre.

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YELLE

COMPLÈTEMENT FOU SONY MUSIC