Celles et ceux qui affichaient présent gardent un précieux souvenir de ce concert donné au Théâtre Saint-Denis, tard dans la nuit du 9 au 10 juillet 1988. La découverte de Salif Keita avait été ressentie comme une onde de choc dont on ne se remet pas. Ainsi, la relation du chanteur albinos avec l'auditoire montréalais dépasse le quart de siècle; l'artiste demeure aujourd'hui une référence absolue de la voix malienne.

Ce qui justifie entièrement les escales régulières de Salif Keita à Montréal, dont la prochaine dans un contexte acoustique. Ce soir, à l'Olympia, pas de nouveau répertoire au programme, mais plutôt un changement d'instrumentation - n'goni, kora, guitare acoustique, djembé, percussions légères.

«Après la tournée électrique, je trouvais intéressant de jouer plus traditionnel, plus roots. Je l'avais déjà fait, mais c'était il y a à peu près 10 ans et pas en Amérique. Les mélomanes, vous savez, ont envie de concerts acoustiques; je crois que la musique africaine offre plusieurs façons d'être entendue. Bien sûr, mes chansons ont été adaptées pour l'occasion», explique le chanteur, joint récemment aux États-Unis.

Entre le Mali et la France

Salif Keita tourne actuellement en Amérique du Nord et retrouve cet auditoire qui lui reste fidèle:

«Mon public nord-américain se trouve en Californie, à New York, Washington, Minneapolis, sans compter le Canada. Non, je n'y tourne jamais l'hiver! [rires] Le plus souvent, je suis au Mali pendant la saison froide. Je vis alors à Bamako ou je retourne à mon village natal, situé à une quarantaine de kilomètres de la capitale.

«Je suis à cheval entre le Mali et la France. La plupart de mes enfants [une dizaine en tout] sont en région parisienne - je vis à Montreuil, dans le 93e arrondissement; d'autres sont à Bamako. Au Mali? La guerre n'arrête jamais la musique. Mais ça se calme... Je crois que nous sommes sur la bonne voie. Il faut rappeler que beaucoup de pays en voie de développement sont passés par là. C'est une étape... La démocratie est un long processus.»

Quant au service de recherche et développement, Salif Keita ne semble pas l'investir par les temps qui courent. Son approche s'est plutôt stabilisée; il dit miser sur ce qu'il a construit. «Je crois avoir assez fait. Je suis allé dans tous les sens, j'ai travaillé avec pas mal de gens du jazz et du rock, dont de grands musiciens - Joe Zawinul, Carlos Santana, Wayne Shorter, etc. Je suis content et fier de tout ça. Il m'importe aujourd'hui de continuer à chanter, tout simplement.»

Un album studio?

Chanter devant public, certainement. Retourner en studio? Pas évident pour le sexagénaire.

«Un artiste est obligé d'enregistrer pour exister, mais j'avoue ne plus être très motivé parce que les albums ne se vendent plus. Un, deux titres plaisent aux gens, le reste passe inaperçu. Avec le piratage sur l'internet, la musique enregistrée ne nourrit pas son homme. À part les concerts, ce qu'on considérait comme normal ne l'est plus. C'est pourquoi je dois miser exclusivement sur la scène. Et je n'ai pas fait d'album acoustique précédant cette tournée. Je participe aussi à des tournées avec mes anciens collègues, j'ai donné récemment une série de spectacles avec les Ambassadeurs [groupe malien des années 70] et des musiciens de cette époque.»

Aurons-nous déduit que ce choix acoustique de Salif Keita ne signifie pas qu'il se déconnecte de la scène musicale?

«Il est toujours bien de mener de nouveaux projets comme cette tournée acoustique. C'est vraiment fatigant, la scène, mais j'aime toujours. Les rencontres que je fais sont toujours nourrissantes; on fait la connaissance de gens sympas, ça fait plaisir. Comment s'y prépare-t-on? En ne faisant... rien. Dans la mesure du possible, il me faut dormir suffisamment!»

________________________________________________________________________________

À l'Olympia ce soir. Labess assurera la première partie du programme prévu à 20h30.