Robert Plant pète le feu. Le chanteur britannique l'a dit et répété aux journalistes canadiens avec lesquels il s'est entretenu cette semaine, et une seule écoute de son nouvel album lullaby and... the Ceaseless Roar vous en convaincra. «Je suis très fier de ce disque, c'est plein de vie et plein de joie. Je suis vraiment là où je devrais être», a déclaré l'artiste à la toute fin de cette conférence téléphonique.

Dans ce nouvel album, Plant aborde à peu près tous les styles de musique auxquels il a touché depuis l'époque glorieuse de Led Zeppelin en compagnie des Sensational Space Shifters, un «vaisseau spatial» qu'il qualifie de groupe de gars le plus prolifique et le plus libre d'esprit avec lequel il ait travaillé.

Après avoir enregistré aux États-Unis deux très beaux albums avec Alison Krauss (Raising Sand), puis avec Buddy Miller et Patty Griffin (Band of Joy), Plant est finalement revenu dans son Angleterre natale, tout près du pays de Galles, où il ne mettait les pieds qu'épisodiquement depuis quelques années.

C'est là qu'il a assemblé ce nouveau groupe, dont certains membres collaboraient déjà avec lui au début des années 2000: des musiciens qui ont frayé avec Massive Attack, Jah Wobble et Sinéad O'Connor et auxquels Plant a greffé le Gambien Juldeh Camara, dont le ritti, un violon à une corde, est bien en évidence dans cet album inclassable.

Avec ses nouveaux complices, Plant avait l'intention de créer de la musique de transe un peu comme celle, hypnotique, qui provient de l'Afrique du Nord et d'y coucher ses mélodies. Les influences musicales qu'on entend sur lullaby and... the Ceaseless Roar sont très présentes dans le paysage musical britannique, précise Plant.

«Je voulais installer ça dans un décor musical contemporain», ajoute celui qui, plus que jamais, veut se consacrer à des musiques qui le touchent vraiment.

Le Robert Plant qui, lors de son dernier passage à Montréal en 2011, surnommait Led Zep «les voleurs suprêmes» est toujours cet artiste curieux qui pige dans ce qu'il a entendu au fil de ses nombreux voyages pour en faire quelque chose d'inattendu. Tout est dans la façon de raconter différemment ces histoires qu'on a peut-être déjà entendues.

«Il faut être éloquent surtout si on raconte cette histoire depuis 45 ans», dit-il en faisant référence aux emprunts que faisait déjà Led Zeppelin dans le répertoire du blues du Delta.

Toujours se réinventer

En juillet 2012, Plant et les Sensational Space Shifters ont enregistré à Londres un album en concert composé de reprises de Led Zeppelin, du groupe Strange Sensation, l'ancêtre des Space Shifters, et des standards.

Sur lullaby and... the Ceaseless Roar, ils relisent à leur façon du Leadbelly et, deux fois plutôt qu'une, une chanson traditionnelle popularisée par le duo bluegrass Stanley Brothers dans les années 40. Mais ce disque est surtout composé de pièces inédites aux sonorités modernes parmi lesquelles se glissent des choses que ne détesteront pas les vieux fans de Led Zeppelin.

L'annonce d'un nouvel album de Robert Plant a relancé le vieux débat entre lui et le guitariste Jimmy Page, qui aimerait bien reformer Led Zeppelin, ce à quoi Plant s'oppose fermement.

Le chanteur ne renie pas du tout son passé, mais il n'a que faire de ceux qui refuseront de le suivre hors de l'univers du rock classique.

«Je ne vis pas dans ce monde, pas plus que Led Zeppelin n'y vivait, ni Jimmy Page, ni Bert Jansch, ni Sandy Denny. Nous sommes continuellement en mouvement et, chemin faisant, nous amassons du matériel qui constitue un très beau canevas à partir duquel créer. Ça me donne une énergie que j'aurais pu perdre il y a longtemps déjà.»

Ce qui lui plaît particulièrement aujourd'hui, c'est la possibilité de revisiter différemment une carrière déjà longue, un peu comme le fait Neil Young, une inspiration pour lui. «Je crois qu'il faut continuer à se réinventer», affirme-t-il.

Ceux qui espèrent encore une suite à Raising Sand, qui a remporté le Grammy de l'album de l'année en 2009, devront s'armer de patience. «Alison [Krauss] est une très bonne amie, mais je pense que j'ai beaucoup de choses à faire avant de retourner à Nashville pour me tricoter un chandail», dit Plant avec cet humour teinté d'ironie qu'on lui a toujours connu.

Parmi les artistes actuels qu'il admire particulièrement, il cite au passage la Britannique PJ Harvey et le groupe Low, de Duluth, au Minnesota.

Plant a donné une centaine de concerts depuis un an et demi: «Je faisais des blagues récemment avec Peter Gabriel [Plant a enregistré en partie son album dans son studio à Bath] à propos de la somme de travail que j'abats, et plusieurs de mes pairs croient que je suis cinglé tellement je travaille. Mais je m'amuse follement et je suis en très bonne compagnie.»

Plant se produira bientôt dans une demi-douzaine de villes nord-américaines avant d'entreprendre une tournée britannique. Il chantera à Toronto le 30 septembre, mais ses fans montréalais ne le verront pas avec son nouveau groupe avant mai 2015.

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lullaby and... the Ceaseless Roar de Robert Plant and the Sensational Space Shifters paraîtra le 9 septembre.