Parmi les leaders du mouvement européen rock in opposition du tournant des années 70, guitariste iconoclaste, compositeur, improvisateur, professeur émérite, l'Anglais Fred Frith coiffe trois décennies de participations régulières au Festival international de musique actuelle de Victoriaville (FIMAV), dont il est sans conteste l'une des figures emblématiques. Passé, présent et avenir en huit réponses.

Au cours des 30 dernières années, vous avez interprété plusieurs de vos projets les plus cruciaux au FIMAV. Qu'en retirez-vous essentiellement?

Je suis fier de ma trajectoire au FIMAV, et je ne pense pas en termes de grandes réalisations. Mon appréciation de l'événement est plutôt liée aux relations humaines: Michel [Levasseur, directeur artistique du festival], toujours prêt à prendre le risque de musiques jamais testées auparavant; moi-même, prêt à soumettre des idées musicales sans savoir exactement ce dont il s'agissait; musiciens partants pour ce voyage à mes côtés; public prêt à tout. Parfois, rien n'en ressort. Parfois, c'est le début d'un périple long et excitant. Parfois, c'est un retour dans le passé.

Quelle est la perception de votre communauté de musiciens en ce qui a trait au FIMAV? Toujours pertinent?

Je ne peux parler que pour moi. Et, de toute évidence, je réponds par un oui retentissant. Je ne crois pas que l'on puisse trouver de nombreux musiciens en désaccord avec cette affirmation. Le FIMAV a fait face à plusieurs critiques, et Michel a fait preuve d'habileté et de ruse pour réinventer son festival... et se réinventer. À l'instar des meilleurs promoteurs, il ne craint pas d'inviter des artistes qui ne représentent pas nécessairement ses propres goûts.

Et le public?

De manière générale, je vois croître l'auditoire partout où je joue. Récemment, j'ai eu le plaisir de rencontrer un homme, son fils et sa petite-fille au concert et ils partageaient la même information sur mon histoire musicale. Cette diversité des générations de musiciens, de genres musicaux et de mélomanes, c'est merveilleux.

Pouvez-vous nous rappeler les origines du Gravity Band, qui se produit demain au FIMAV?

L'album Gravity a été enregistré en 1979. C'était pour moi une réponse à une conversation sur la musique de danse et ce qu'elle représentait dans différentes parties du monde. J'ai toujours aimé la musique des Balkans et de la Grèce, car la mesure n'y est pas le 4/4 habituel, mais plutôt le 5/8, le 7/8 ou le 9/8. La musique disco était alors considérée comme un sommet, alors j'ai cru intéressant d'enregistrer un album de musique de danse en mélangeant ces musiques d'ailleurs tout en en proposant ma propre interprétation.

Qu'est-ce qui justifie la participation de musiciens de différents horizons et générations au sein du Gravity Band?

En 2001, le clarinettiste Aaron Novik et la claviériste Dominique Leone ont pris contact avec moi afin que l'on reprenne la matière de Gravity avec un mélange de leurs groupes respectifs. J'ai d'abord résisté (je préfère ma musique d'aujourd'hui plutôt que de replonger dans mon passé)... et ils m'ont finalement convaincu. Au fil des répétitions, j'ai senti que quelque chose d'unique se produisait.

La relecture des plus jeunes?

Il ne s'agit pas de relire, mais bien de jouer. Les partitions sont le squelette, mais... les nerfs, les muscles, les sinus, les tendons, les veines, le flux sanguin et l'énergie proviennent des performeurs réunis. De nouveau, nous imaginons la musique et nous nous la réapproprions, tels que nous sommes aujourd'hui.

Quelle est votre relation artistique avec le saxophoniste Evan Parker, avec qui vous jouez ce soir?

J'ai joué quelques fois avec lui, mais seulement deux fois en duo. Nous nous connaissons depuis 40 ans et je suis un grand admirateur de son oeuvre. Ce qui se passera sur scène? De l'improvisation. Vos prédictions sont aussi valables que les miennes!

Trois souvenirs de Fred Frith

Au terme d'un concert de son groupe Naked City, John Zorn avait été attaqué verbalement par un journaliste renommé de LA nouvelle musique. John lui avait rétorqué qu'il s'était produit à guichets fermés.

«Un certain Monsieur-le-professeur de Victoriaville avait déclaré au journal local que je ne devrais jamais échanger avec ses étudiants parce que ce que je faisais n'avait rien à voir avec les objectifs pédagogiques de son école!»

«Aux débuts du festival, je m'étais retrouvé derrière le bar afin d'aider le personnel!»

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Samedi avec Evan Parker et dimanche au sein du Gravity Band, au Festival international de musique actuelle de Victoriaville. Info: http://fimav.qc.ca/