Broken Bells, duo étoile formé de James Mercer (The Shins) et du compositeur-réalisateur Danger Mouse (U2, Gnarls Barkley, Black Keys), se produisait au Métropolis, hier soir, pour la première fois à Montréal. Quelques heures avant le spectacle, La Presse a eu la chance de rencontrer les deux musiciens à la feuille de route impressionnante.

Assis devant nous, deux musiciens discrets qui passeraient inaperçus à l'extérieur du Métropolis. Et pourtant. Dans le coin gauche, James Mercer, chanteur du groupe The Shins qui a fait les beaux jours de la B.O. de Garden State. Dans le coin droit, le réalisateur Danger Mouse, engagé par Gorillaz, Beck, Norah Jones et The Black Keys, et qu'un certain groupe appelé U2 a choisi pour son nouvel album attendu cette année.

Ensemble, ils forment Broken Bells, et La Presse a eu la chance de rencontrer le duo hier après-midi, quelques heures avant son spectacle au Métropolis.

Pour ces deux musiciens aguerris, Broken Bells est plus qu'un projet parallèle. C'est un «vrai» groupe, une bulle de création, et une amitié qui s'est forgée au fil des années. «Quand nous sommes ensemble, c'est un moment spécial. Nous avons notre bulle de création. Ce n'est pas du travail. Ça nous donne une excuse pour ne pas être dérangés et être entre amis», dit Danger Mouse, que ses proches appellent plutôt par son vrai nom, Brian Burton.

Les séances d'enregistrement de Broken Bells représentent des moments précieux dans les agendas chargés de ses deux géniteurs. Surtout pour Danger Mouse, qui, vous l'aurez deviné, n'avait pas l'autorisation - pas plus que l'envie - de nous parler du nouvel album de U2 dont il a chapeauté la réalisation.

Il y a un mois, Broken Bells a lancé un deuxième album intitulé After the Disco. Trois mots qui renvoient à beaucoup plus qu'un titre accrocheur et à la mode. After the Disco évoque l'idée que le «party est terminé».

Ce concept explique la nostalgie et la mélancolie qui se dégagent des chansons, même si Broken Bells a accéléré le tempo mélodique et ajouté plus d'arrangements de claviers dansants.

«James et moi avons beaucoup réfléchi sur où nous en sommes dans nos vies. Quand tu es jeune, tu rêves et tu ne fantasmes pas sur l'idée de vieillir et d'avoir l'âge que nous avons en ce moment», explique Danger Mouse, qui a 36 ans, soit sept ans de moins que son acolyte.

«En même temps, je m'imagine rentrer pour de bon à la maison avec le sentiment que tout le boulot est terminé», lance en riant James Mercer, qui est marié depuis des années contrairement à Brian Burton qui a vécu des hauts et des bas amoureux.

À l'image du court métrage en deux parties que Broken Bells a lancé avant la sortie de l'album, les chansons d'After the Disco évoquent un recul par rapport au temps qui passe. Le film, réalisé par Jacob Gentry et mettant en vedette Kate Mara (House of Cards) et Anton Yelchin (Star Trek), présente le rêve de science-fiction d'un jeune homme. Dans la première partie, il se voit avec la femme de ses rêves, puis dans la seconde, il la cherche dans une soirée où les gens se mettent à vieillir tout d'un coup.

«Quand nous avons terminé l'album, James m'a envoyé de vieilles affiches de films de science-fiction des années 1970. Je ne me souviens plus si c'était à partir d'un rêve, mais j'ai écrit cette histoire d'amour», raconte Danger Mouse.

Scénographie créée à Montréal

Cet univers visuel rétrofuturiste a guidé la conception de la pochette d'After the Disco et la scénographie du spectacle présenté hier au Métropolis, conçue par la boîte montréalaise Lüz Studio (qui vient de décrocher un contrat pour la tournée du nouvel album de Foster the People). «Ça fait du bien d'avoir un visuel et un univers imaginaire qui ne nous mettent pas au centre de l'attention», dit Danger Mouse.

«La scénographie nous enlève de la pression. Au lieu de divertir la foule, on peut se concentrer sur la musique. Il y a tellement de visuels. J'ai parfois envie de me retourner pour regarder», ajoute James Mercer.

Vous l'aurez deviné, Mercer et Burton sont des gars réservés. Low-profile, comme on dit en anglais. Broken Bells est leur terrain de jeu, leur zone de réconfort.

Au cours des dernières années, Danger Mouse a surtout enfilé le chapeau de réalisateur et peu celui d'auteur-compositeur. Le dernier album de Gnarls Barkley (son projet avec CeeLo Green) date de 2008. «Broken Bells est vraiment ma maison. Je peux aller plus loin, dit-il. J'admire la sensibilité mélodique de James. Par rapport aux autres projets que j'ai eus, je n'ai jamais travaillé avec une telle voix. Il me permet de créer la musique que j'avais en tête depuis longtemps.»

De son côté, James Mercer aime se tremper dans un univers créatif qui n'est pas 100% personnel. «Le fait que Brian assure la réalisation de Broken Bells donne vraiment une texture différente de la musique que je fais avec The Shins, dit-il. Comme je n'écris pas toutes les paroles et que Brian arrive avec des idées de cordes incroyables, je dois me surpasser dans la créativité et trouver de meilleures mélodies.»

Broken Bells, c'est donc une belle complicité musicale et une belle amitié entre deux gars de villes différentes qui se retrouvent occasionnellement dans un studio plutôt que dans un camp de pêche.

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À lire sur notre blogue, notre compte rendu du spectacle de Broken Bells au Métropolis: blogues.lapresse.ca/musique