Le leader de San Fermin n'a pas appris le rock à l'école de la rue. Après avoir fait du piano classique jusqu'à la fin du secondaire, ce jeune homme originaire du Massachusetts a été admis au département de musique de la très chic Université Yale, dans le Connecticut. Durant ses études de composition, il y a fait la rencontre de son mentor, Nico Muhly, dont il est devenu l'assistant.

Ellis Ludwig-Leone était tombé dans la bonne talle.

Âgé d'à peine 32 ans, Nico Muhly mène une carrière impressionnante. D'abord sur le territoire de la musique écrite dite sérieuse (chant choral, petits et grands ensembles, opéra, piano, percussion, film), mais encore sur celui de l'arrangement indie - Grizzly Bear, Antony and the Johnsons, Jónsi, The National, pour ne nommer que ceux-là.

Ellis Ludwig-Leone, 23 ans, ne pouvait espérer mieux, et s'apprête lui aussi à mener une carrière excitante au sein de San Fermin. Le nom du band s'inspire d'une fête basque pendant laquelle des taureaux sont lâchés dans les rues. Effet boeuf en perspective?

«Je me sens très privilégié d'avoir pu faire ce boulot d'assistant pour ensuite m'installer à New York. J'ai énormément appris à ses côtés. Nous avons abordé plusieurs manières de faire de la musique, et cela m'a rassuré sur la possibilité de concilier mes champs d'intérêt. J'essaie de construire un pont au-dessus du fossé qui a séparé mon éducation classique et mon intérêt marqué pour le rock.»

Envergure orchestrale

Ellis Ludwig-Leone préfère ne pas être perçu ou présenté comme un compositeur dit sérieux.

«À l'école secondaire, je ne sentais pas que je faisais partie de la culture classique. Une fois à l'université, cependant, des musiciens comme Nico m'ont fait réaliser que les deux mondes pouvaient être liés. Ce fut très inspirant. D'autres compositeurs le furent aussi - par exemple, David Lang ou Charles Ives, qui fut à Yale il y a 100 ans [rires].»

À Brooklyn, où il s'est installé après le cycle universitaire, notre interviewé a lancé San Fermin, d'abord un projet d'album puis un groupe devenu permanent. Les critiques les plus tièdes du premier opus (sans titre) en ont déploré les influences trop apparentes (The National, Sufjan Stevens, Dirty Projectors, Steve Reich, Meredith Monk, etc.), alors que les plus chauleureuses se sont réjouies d'une telle envergure orchestrale.

«J'essaie encore de trouver ma voix, admet néanmoins Ellis. Je n'ai pas terminé d'assembler les morceaux qui m'ont construit musicalement. À ma décharge, il faut dire que la musique du premier album a été composée il y a deux ans. Or, les chansons de mon nouvel album sont prêtes, les références y sont plus diffuses. Et plus nombreuses.»

En tout, huit personnes seront sur scène pour l'escale montréalaise, prévue le soir de la Saint-Valentin: Allen Tate et Rae Cassidy (voix), Rebekah Durham (violon et voix), Stephen Chen (saxophone), John Brandon (trompette), Mike Hanf (batterie), Tyler McDiarmid (guitare), Ellis Ludwig-Leone (claviers et direction).

«Nos concerts vont un peu plus loin que l'album; les joueurs élaborent davantage. Les arrangements ont été simplifiés, car nous étions 23 musiciens en studio. Mais c'est quand même proche de l'album.»

Entre deux chaises? Entre chanson et musique instrumentale? Ellis n'a que faire de ces considérations.

«Sonsick, la chanson la plus jouée de l'album, comporte des éléments accrocheurs, mais aussi des passages instrumentaux dignes d'intérêt. Alors je crois sincèrement ne pas avoir à choisir. Je veux créer des chansons honnêtes, qu'elles soient simples ou compliquées.»

Par ailleurs, Ellis Ludwig-Leone est conscient de ne pas émerger à l'âge d'or indie... et s'en contrefiche.

«Je n'essaie pas de trouver l'affaire la plus hip qui soit. J'ai grandi avec l'indie, j'avais 13 ans il y a 10 ans! Aujourd'hui, les références sont toujours là, les musiciens qui m'ont marqué sont loin d'être vieux! En fait, il ne m'apparaît pas important de m'inscrire dans une dialectique historique. Il m'apparaît beaucoup plus intéressant d'exprimer la profondeur de l'expérience vécue entre êtres humains.»

Simple... complexe...

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Vendredi, 20h, à la Casa del Popolo. Première partie: Alexandra Stewart.