«Je me sentais comme un enfant devant une nouvelle palette de plasticine, avec toutes ces couleurs et toutes ces formes...» Et personne pour lui dire quoi faire!

Ghislain Poirier, crack de la musique électronique montréalaise, ne boude pas son plaisir. Mardi dernier, nous étions avec le master DJ quand il a reçu - «Wow!» - son exemplaire fraîchement pressé de ce CD intitulé TOUT ÉGRATIGNÉ - Robert Charlebois - Remixes sous la direction de Poirier.

Poirier en a «vu» de toutes les couleurs en écoutant l'immense corpus de Robert Charlebois qui achève, avec ce beau projet, cette année de célébration de ses 50 ans de carrière dans la chanson. «De la musique des années 60, 70 et 80, enregistrée dans des ambiances et avec des instruments et des moyens techniques tout à fait différents... Des pépites musicales», lance Poirier, lui-même un «enfant des Olympiques».

1976... L'année où Charlebois lançait Longue Distance, son 11e microsillon, celui avec Cartier et Je reviendrai à Montréal, titre qui apparaît deux fois sur Tout égratigné: un remix du Français Fulgeance et un «edit» de Poirier, idéateur, directeur artistique, réalisateur et producteur exécutif de ce CD hors normes de La tribu, disponible en primeur sur espace.mu depuis une semaine.

Pur plaisir

«J'ai voulu faire appel à des DJ de toutes les origines, pas juste des Québécois», dira Poirier en soulignant que les «galettes» de Charlebois étaient convoitées par les collectionneurs de partout dans le monde. Aux «élus», Poirier a donné un choix de pièces - pas toujours les plus connues - et de bien brèves instructions: «Amusez-vous...»

Et le Californien Oh No s'est amusé à remixer Complainte de Presqu'Amérique tandis que l'Ontarien Elaquent a fait de même avec Tout écartillé. Certains se sont amusés à rendre les pièces quasi méconnaissables - Kid Koala dans Engagement - et dans un test à l'aveugle, bien peu de spécialistes reconnaîtraient Wasichu, une pièce déjà peu connue de Longue Distance, remixée par Poirier lui-même qui a aussi joué avec Coup de soleil, tant en remix qu'en edit. «L'edit, dira Poirier, c'est comme un copier/coller de certaines parties de la pièce originale tandis que dans le remix, on peut ajouter des sons, transformer la pièce plus profondément.»

Dans les crédits de Tout égratigné, on retrouve aussi les noms de KenLo (J't'haïs), SevDee (Conception), Toast Dawg (California), Shash'U (Lindbergh) et Capitaine Soldat (Vivre en ce pays).

Ce rassemblement de DJ peut laisser croire que le projet Tout égratigné consistait à transformer les chansons de Charlebois en autant de morceaux pour la danse. Pantoute! Rien à voir avec le dancefloor... «Et on ne s'en cache pas», lance Poirier dont l'intention a toujours été de donner à une génération nouvelle la chance de «s'approprier la musique de Robert Charlebois».

Mission accomplie.

Quatre extraits

Mon pays 

Compté comme «edit» mais Poirier a convié Dan Thouin aux vieux claviers (orgues Farfisa et Hammond B 3, Clavinet) «pour appuyer le rythme»... Impact assuré au party de Noël: «Viens dans le salon, mon oncle Jean, je vais te faire écouter une toune de Charlebois que t'a jamais entendue...» La pièce-marteau de Tout égratigné: smash hit!

Tout écartillé 

Un remix de l'Ontarien de Guelph Elaquent, «eQ» pour les intimes, de ce qui constitue en quelque sorte la pièce-titre de Tout égratigné. Après l'ouverture originale, l'auditeur se retrouve «tout écartillé» dans l'espace sidéral avec la basse, le drum et le piano plus quelques échantillons du cri de Charlebois qui s'est beaucoup écartillé dans Paris avec Marcel Sabourin, le coauteur de la chanson. «Woh non!» 

Première neige 

Un remix tout en subtilité du Latino-Montréalais Boogat, double lauréat du dernier gala de l'ADISQ pour Eldorado Sunset (Album de l'année - Musique du monde), réalisé avec Poirier, colauréat du Félix du Réalisateur de disque de l'année. «Pour celle-là, j'ai tout de suite pensé à Boogat. C'était le choix approprié pour ce genre de musique.» Les Français vont aimer ce remix d'allégeance bossa-nova avec la voix du Charlebois des îles en boucles. 

C'est pas physique, c'est électrique 

Ici, la voix «originale» de Charlebois - «On se fait tout à chaque rendez-vous» - est exploitée à fond par Soké, artiste hip-hop de l'Outaouais qu'on a entendu aux deux dernières éditions des FrancoFolies. Soké (Zacharie Raymond) confirme ici son penchant pour le reggae en même temps qu'il donne à ce CD les quelques scratches que son titre laisse supposer sinon espérer. C'est pas physique, c'est électronique.