En attendant le nouvel album de Random Recipe, qui paraît en octobre, Frannie Holder et Vincent Legault font équipe avec Charles Lavoie (lackofsleep, betalovers) et présentent un beau petit disque de folk romantique, habilement dépouillé. Portrait en quatre étapes de Dear Criminals, groupe destiné pour le moment à ne vivre qu'à temps partiel.

«Pour tous les trois, Dear Criminals a été une soupape», avance Vincent Legault. Frannie Holder et lui sortaient d'une longue tournée avec Random Recipe. Charles Lavoie s'était donné tout entier dans la création du premier disque de lackofsleep. Chacun de leur côté, ils avaient besoin de souffler un peu, en trouvant un espace de création où ils ne sentiraient ni obligation ni pression. «Tout est parti de l'envie de faire de la musique ensemble, résume Charles Lavoie. On est arrivés au Quai des brumes avec nos guitares acoustiques pour faire un show pour nos amis.» L'imprévisible s'est produit: le trio a été invité à faire un spectacle au Festival international de jazz de Montréal. «Le disque, on l'a fait parce qu'on allait jouer trois dates au FME», ajoute Frannie Holder.

Dépouillé

«L'idée était d'aller chercher la note qui marche bien. Comme on est trois, on a aussi voulu s'assurer qu'on pourrait les jouer live, ces chansons-là. On ne voulait pas non plus tomber dans une surenchère musicale, ce qui aurait été facile, juge Vincent Legault, arrangeur principal du trio. On n'avait pas besoin de grand-chose de toute manière avec ces deux voix-là. Ce sont eux qui mènent.» Ses comparses et lui voulaient aussi s'éloigner des univers denses de leurs groupes respectifs. Ce minimalisme-là, Charles Lavoie y tient. «De laisser une place aussi importante au silence, c'est peut-être ce qui va nous distinguer d'autres groupes à qui, sinon, on pourrait ressembler, avance-t-il. En musique, souvent, tu veux accrocher l'auditeur, l'attirer vers toi. Mais tu peux aussi le laisser venir à toi. Le silence, c'est peut-être une manière de lui laisser de la place, de le laisser exister dans ta chanson.»

Tout en voix

Frannie Holder a toujours été attirée par les voix spéciales - elle cite Beth Gibbons de Portishead et Betty Bonifassi. Elle a aussi eu le coup de foudre pour la voix de Charles Lavoie lorsqu'elle a découvert son groupe betalovers. «J'écoutais sa musique et je chantais des back vocals par-dessus, raconte la chanteuse identifiée à Random Recipe. On dirait que j'ai su tout de suite que ça pourrait marcher, nos deux voix ensemble.» L'intérêt principal de Dear Criminals, selon elle, ce sont d'ailleurs ces deux voix «qui font l'amour». Ce n'en est pas le seul, mais il est vrai que la vibration de ces voix presque nues a quelque chose de magnétique.

Folk romantique

«T'as pas un coeur de rockeur, lance Frannie Holder à Charles Lavoie, t'es trop sentimental!» Dear Criminals, c'est vrai, mise sur un romantisme sombre, qui se déploie dans une certaine lenteur et non pas dans une lourde mélancolie, même si la première chanson de Weapons s'intitule Lover's Suicide. «On est deux grands romantiques», s'amuse la chanteuse. «C'est ça qui sort quand on chante ensemble», reconnaît Charles Lavoie. Et puis, leurs influences communes à tous les trois tendent aussi vers les chansons écorchées peu portées aux épanchements joyeux, comme James Blake et Tom Waits pour n'en citer que deux.

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