Attablée à une terrasse dans le quartier où elle a ses habitudes, Élizabeth Provencher savoure sa soupe au miso, s'extasiant au-dessus des enzymes vivantes de son bouillon.

«Je mange local, biologique et végétarien», précise-t-elle, teint de pêche à l'appui. Sans contradiction avec ses valeurs alimentaires, c'est de façon aussi naturelle et organique que Bet.e & Stef s'apprête à renaître.

Une décennie après avoir décidé de cesser subitement la production musicale, le duo de bossa-nova, que la chanteuse à la voix suave formait avec le guitariste Stéphane Carreau, a ressorti ses instruments et s'est remis au travail. La paire s'apprête d'ailleurs à signer un contrat avec une étiquette majeure pour la distribution mondiale de son nouvel album, dont la sortie est prévue en 2014.

«Nous avons repris contact il y a quelques années, et ce qui existait à l'époque était toujours là, bien vivant. Nous sommes tellement contents d'avoir la chance de reprendre exactement là où nous avions laissé!», avoue celle qui s'est établie à Sherbrooke il y a quatre ans, faisant un peu de musique par-ci, prenant des cours de danse par-là, mais profitant surtout de la tranquillité de l'anonymat.

Elle en avait besoin, de cette parenthèse en retrait, la Bet.e. Petit retour en 2003: au faîte du succès de son deuxième album Day by day (200 000 exemplaires vendus), le couple professionnel avait choisi de lever le nez sur un contrat d'un demi-million de dollars offert par la maison mère d'Universal, laissant pantois ses proches et ses admirateurs. Pour eux deux, c'était la seule chose à faire.

«Nous travaillions d'arrache-pied depuis 12 ans. Nous étions exténués. Si nous acceptions le contrat, nous nous engagions pour cinq albums supplémentaires. Nous avons préféré prendre une pause pour nous ressourcer et nous reposer. Si nous n'avions jamais pris de recul, nous n'aurions pu faire évoluer notre son, ce qui n'aurait pas été respectueux pour nos fans.»

C'était donc une pause. Pas une mort. En leur for intérieur, ils savaient que Bet.e & Stef reprendrait vie un jour ou l'autre. Après avoir chacun lancé un album en solo et vécu des expériences musicales avec des partenaires multiples, ils se retrouvent comme s'ils ne s'étaient jamais perdus.

«Tout est comme avant. En mieux. On entend notre évolution. Nous étions dans la vingtaine, à l'époque. Nous apprenions la vie en même temps que notre métier. Nous sommes tous les deux plus en paix aujourd'hui. Quand nous nous penchons ensemble sur une chanson, il y a une troisième affaire qui apparaît au-dessus de nous. Ça ne s'explique pas.»

Double récompense

Souhaitant prendre le temps de se réapprivoiser, les complices retrouvés ont eu l'idée de lancer d'abord un album de remix.

Stéphane Carreau, qui a ses entrées dans le monde de l'électro, a confié la réalisation au DJ et producteur Mike Fresco, qui a appelé des confrères (surtout européens) pour les inviter à revisiter une quinzaine de pièces du duo. Des versions lounge de Day by Day, Vagabong et All is Well (par les Lost Fingers) se retrouvent entre autres sur cet album double, discrètement lancé en juin. Le deuxième disque comprend aussi des pièces inédites, restées dans les cartons ou diffusées seulement au Japon.

«C'est un cadeau aux fans pour les remercier de leur patience. Nous réapparaissons à peine et nous avons déjà droit à des réactions très émotives de gens qui n'ont jamais cessé de nous écouter. Visiblement, nous avons réussi à créer des chansons intemporelles», estime Élizabeth Provencher, qui vit toujours des redevances des chansons de Bet.e & Stef. Cet album met aussi la table pour un retour officiel du duo l'an prochain.

Chantier

Une dizaine de nouvelles chansons sont présentement en chantier et devraient être enregistrées pendant le temps des Fêtes. «La bossa-nova est toujours présente, autant dans mon phrasé et dans les mélodies riches que dans le jeu de guitare de Stéphane, mais il y aura beaucoup de métissage. On reste dans la musique du monde pop, accessible et chaleureuse. Les gens ne seront pas dépaysés.»

Parce qu'ils sont heureux de se retrouver et de retrouver le public, ils ont amorcé à Sherbrooke une tournée de spectacles assez intimes avec le multi-instrumentiste Jay Atwill.

En septembre, ils joueront notamment à Montréal, Québec et Trois-Rivières. Pour le reste, ils y vont un jour à la fois, day by day... Et laissent les enzymes catalyser le reste.