Le reggae est une musique universelle, on le sait. Ce qu'on savait moins, c'est que la musique de Bob Marley avait des ambassadeurs jusqu'en Chine. Directement de Pékin, le groupe Long Shen Dao se produira ce soir au Balattou, avec son reggae conscient tendance taoïste chanté en mandarin. Entrevue avec Guo Jian, bassiste, chanteur et principal compositeur du groupe.

Q : Un groupe de reggae chinois, c'est rare. Comment est né Long Shen Dao?

R : J'ai entendu du reggae pour la première fois en 1999, un ami avait ramené une cassette de Pékin. À cette époque, j'étais plutôt dans le rock. Mais en 2007, avec des amis musiciens, nous avons décidé de fonder un groupe de reggae et d'en jouer pendant nos temps libres. On a eu tellement de succès qu'on a tous laissé nos autres engagements pour se consacrer à Long Shen Dao.

Q : Comment êtes-vous perçus chez vous?

R : En Chine, il n'y a qu'une poignée de groupes reggae et très peu d'endroits pour en jouer. Les médias ne comprennent pas vraiment cette musique. Ils pensent que Long Shen Dao possède un son neuf et frais, et que nous mélangeons bien les influences orientales et occidentales. Mais ils ne savent pas où nous caser. Faute de mieux, on nous classe dans la catégorie rock. Nous avons donc gagné beaucoup de prix comme «Meilleur groupe rock de Chine» ou «Meilleur album rock»!

Q : La Chine est un immense marché. Combien de disques avez-vous vendus?

R : La Chine est un immense marché, mais un immense marché pour le piratage. Autrement dit, les ventes de disques officielles ne veulent rien dire. Tout ce que je sais, c'est qu'environ 200 000 personnes voient nos spectacles chaque année, ventes de billets à l'appui.

Q : De quoi parlent vos chansons? Vous arrive-t-il de commenter la situation politique en Chine?

R : Comment le gouvernement répond aux messages politiques dépend généralement du message. Il est possible que vous entendiez un message politique dans nos chansons. Ou non. Personnellement, je ne me sens pas contrôlé et je chante sur ce que je veux. J'écris généralement sur les gens et sur la vie, mon but étant surtout de créer des liens et de transcender les conflits. Je crois que notre musique peut être utilisée comme soupape pour toutes sortes d'émotions, pas seulement la dissidence.

Q : Avez-vous adopté le mode de vie rastafarien, dreadlocks et ganja en tête?

R : Je ne suis pas un adepte de la philosophie rasta, le reste du groupe non plus d'ailleurs. Mais comme je suis paresseux et que j'aime bien l'apparence des «dreads», disons que je ne me lave pas et ne me peigne pas les cheveux chaque jour! Pour ce qui est de la marijuana, je peux te dire que c'est illégal en Chine. J'ai beaucoup d'amis musiciens qui sont allés en prison pour avoir fumé de la marijuana. Il y a un dicton célèbre chez nous qui dit: «zhen xi sheng ming, yuanli dupin» ce qui signifie: «Si tu chéris la vie, prends tes distances de la drogue».

Q : Jusqu'à quel point, enfin, croyez-vous que la musique reggae est compatible avec la mentalité chinoise?

R : Personnellement je n'ai jamais eu à renier mon identité chinoise pour me mouler dans le mode reggae. Je pratique le taï chi tous les jours et j'adore tous les livres, films sur la culture chinoise classique. Je peux vous dire que l'esprit chinois et le reggae ont ceci en commun qu'ils sont tous deux enracinés dans le respect de la nature et les deux veulent trouver des relations pacifiques et équilibrées entre les gens et avec l'environnement. En ce qui me concerne, c'est pour cette raison que je continue dans le reggae...

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Long Shen Dao, ce soir, au Balattou.