Il a inventé le style folk-rock, connu la gloire avec les Byrds et gravé quelques chansons mémorables des années 1960 (Turn! Turn! Turn! , Mr Tambourine Man, Eight Miles High). Légende vivante de la culture pop américaine, Roger McGuinn, 70 ans, n'en mène pas moins aujourd'hui une carrière discrète, en marge de l'industrie.

Depuis une vingtaine d'années, il se consacre corps et âme à la préservation du patrimoine musical américain, parcourant le monde avec sa femme et ses guitares. Il est de passage chez nous pour la première fois depuis 30 ans, dans le cadre du 6e Festival folk de Montréal. Nous lui avons parlé musique, Byrds et lunettes rectangulaires...

Q On vous décrit à la fois comme le père du folk-rock et le père du country-rock. Méchante reconnaissance! Comment vivez-vous avec ce double statut?

R Je dirais que c'est un peu exagéré, spécialement pour le country. Ma période country était une expérimentation et c'est surtout Gram Parsons (chanteur country-rock mort en 1973, ndlr) qui était derrière ce virage. Le folk-rock, c'est différent. L'idée de mélanger le folk avec des rythmes à la Beatles vient de moi. Mais les Byrds n'ont pas été les premiers à utiliser des guitares Rickenbacker, pas plus qu'ils n'ont créé le fameux son de guitare «jingle jangle» qui avait déjà été exploré par des groupes comme les Searchers et les Seekers. Nous avons simplement mis ensemble des choses qui traînaient à gauche et à droite.

Q Aujourd'hui, la question ne se pose plus. Vous êtes redevenu un chanteur de folk pur. Vous donnez vos concerts seul avec vos guitares et reprenez de vieilles chansons traditionnelles...

R Il y a 17 ans, j'ai constaté que la musique folk était mise de côté aux États-Unis. Les vieilles chansons de cowboy, le blues, les ballades pour enfants, n'avaient plus la cote, parce que les chanteurs préféraient chanter leurs propres compositions. Alors je me suis dit que je devais reprendre le flambeau. Dans un sens, je suis revenu à mes racines.

Q Votre dévouement va encore plus loin. Vous avez lancé en 1996 le Folk Den, un site web où vous reprenez une fois par mois une chanson traditionnelle américaine. Cet exercice vous a même valu une nomination aux Grammys. Êtes-vous en mission de sauvegarde?

R Je ne suis pas désespéré. Je dirais plutôt que c'est un acte d'amour. Mon but est que les gens trouvent ces chansons et les téléchargent pour le plaisir de les écouter entre amis ou en famille. Mais il est vrai que dans des endroits pourtant généralement associés à la musique folk, comme New York, on n'entend plus personne jouer ces chansons. D'où l'importance de les garder en vie. Ce n'est pas comme au Canada, où les chansons traditionnelles sont plus vivantes...

Q Vous êtes «solo» jusque dans vos liens avec l'industrie du disque. Vous n'avez aucune maison de disques. Toutes vos tournées sont organisées par vous et votre femme. Est-ce un choix?

R C'est un choix parce que c'est beaucoup plus agréable de cette façon. Je dois beaucoup aux compagnies de disques parce qu'elles ont permis aux Byrds d'avoir du succès. Mais j'ai fini par me rendre compte que je n'avais plus besoin de ça. Je suis assez content d'être sorti du système. Compte tenu de ma réputation, cela me permet de jouer dans un circuit qui se situe entre l'underground et le commercial. Je donne en moyenne 50 concerts par an, ça me va tout à fait. Avec les Byrds, on pouvait se produire jusqu'à 200 fois par an. C'était très mauvais pour la voix.

Q Votre carrière solo a commencé il y a 40 ans, le 29 mai 1973. Ça vous manque d'être dans un groupe? Avez-vous pensé à reformer les Byrds?

R Pas du tout. Je suis trop bien tout seul. Je voyage avec ma femme. Nous sommes en lune de miel permanente. On s'aime. Je ne changerais rien à ça. Je vois parfois Chris Hillman et David Crosby (autres membres fondateurs des Byrds). Notre relation est bonne. On se souhaite bon anniversaire. Mais je ne tiens pas à reformer le groupe. David se plaint régulièrement de moi dans la presse. Il dit qu'il ne comprend pas mon entêtement. Mais c'est comme ça. J'ai été 9 ans dans les Byrds et 40 ans en solo. Je ne reviendrais pas en arrière.

Q Puisqu'on est dans les Byrds... Que sont devenues vos fameuses lunettes rectangulaires qui étaient une de vos marques de commerce?

R Elles se sont envolées quand je faisais de la moto aux Bahamas. Elles ont fini dans un buisson, mais je n'ai jamais pu les retrouver. Je crois qu'elles y sont encore (rires)!

Q Votre première Rickenbacker, volée après un concert des Byrds en 1966, a récemment refait surface sur le net. Son propriétaire voulait la vendre pour 750 000$. Avez-vous eu envie de la racheter?

R Elle a souvent changé de main et refait surface de temps à autre. J'ai souvent eu envie de la racheter. Mais certainement pas à ce prix! Légalement, elle est encore à moi. Mais je ne crois pas que je pourrais la réclamer si facilement. De toute façon, je n'en ai pas vraiment besoin...

Q À ce propos: vous jouez toujours sur une Rickenbacker 12 cordes, la guitare ultime des Byrds. Est-ce parce que ce son si particulier vous excite encore ou parce que vous êtes trop identifié à cette marque pour en changer?

R J'aime toujours la 12 cordes de Rickenbacker. Il n'y aucune autre guitare qui sonne comme ça. Mais c'est aussi pour répondre aux attentes du public. On ne me le pardonnerait jamais si je montais sur scène avec un autre modèle!

Une soirée avec Roger McGuinn, mercredi 12 juin au Corona dans le cadre du Festival folk de Montréal.